Textes spirituels

Règle de saint Benoît

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HERITIERS D'UNE HISTOIRE

« Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d'après ce que nous ont transmis ceux qui furent les témoins oculaires et serviteurs de la Parole, j'ai décidé, moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis les origines, d'en écrire pour toi l'exposé suivi. »
(Evangile de Luc 1, 1-3a)

Les pas Les étapes d'un héritage

Le monastère de saint Benoît est une école du service du Seigneur. Or cette école vit dans l'Eglise, qui elle-même vit dans un monde, de sorte que des styles et des inflexions différentes se laissent discerner, depuis nos origines en 1850.

Une première époque, difficile, s'étend de la fondation par le père Muard à la fin de la Première Guerre mondiale (1850-1920). Le fondateur, homme de Dieu, de zèle sans mesure pour le salut des « âmes » et les missions, assoiffé de prière et de pénitence, hôte des bénédictins de Subiaco et stagiaire chez d'austères trappistes était mort trop tôt. Après lui, la communauté s'était jointe à une Congrégation bénédictine italienne en cours de réforme : la Congrégation cassinaise de la primitive observance, en recevant une tradition monastique ancienne et lui apportant son souci de pénitence et d'austérité ainsi que son zèle missionnaire. Les expulsions de religieux en 1880 et 1903 ont éprouvé la communauté, même si elles ont provoqué des fondations à l'étranger.

Après la guerre, la communauté s'est reconstituée, faisant prévaloir peu à peu l'identité monastique, la liturgie ample des bénédictins, et cherchant des formes monastiques à l'intuition missionnaire du père Muard : fondations de monastères au loin : au Viêt Nam d'abord, puis au Cambodge, à Madagascar et au Congo Brazzaville : maisons conçues, avec une naïve générosité, comme des répliques exactes du monastère fondateur. Sans argent, sans étude préalable des langues. Sur place, construction d'une vaste hôtellerie pour partager avec beaucoup la grâce monastique : d'abord les hommes seuls et, spécialement les prêtres, ensuite les couples, les femmes.

A côté de la vie liturgique, l'accent est toujours plus souligné sur l'oraison mentale et la prière silencieuse continuelle. Au même moment, de graves difficultés financières conduisent la communauté à valoriser au maximum le travail : ferme, imprimerie, éditions, permettant de retrouver l'équilibre de l'économie et, tout autant, une santé spirituelle très simple.

Le monastère enfin, ne demeure pas étranger à l'immense vie ecclésiale, dont les formes se dessinent au retour de la Deuxième Guerre mondiale : mouvements liturgique et biblique ; redécouverte des sources anciennes de la théologie, en particulier monastique ; essais missionnaires et pastoraux, de sorte que peu à peu se dessine un élargissement des mentalités grâce auquel la communauté ne sera pas totalement prise au dépourvu quand Jean XXIII convoque le concile en 1962.

Une troisième période commence après le concile, durant laquelle la communauté trouve peu à peu ses marques, en lien avec l'ordre monastique, tout entier. Elle adapte sa liturgie selon la constitution Sacrosanctum Concilium, développe de nouvelles manières de vivre la vie fraternelle, renouvelle ses références théologiques et spirituelles, s'ouvre à l'œcuménisme. Elle adapte ses liens avec ses fondations désormais autonomes dans des pays devenus indépendants.

Les certitudes et les hésitations qui se font jour dans les Eglises pénètrent aussi le monastère, mais sans jamais fragiliser l'unité de la communauté et le bonheur d'être ensemble.

Et demain ?

La Pierre-qui-Vire demain. Où allons-nous ? Qui serons-nous ? Que ferons-nous ? Dans le brassage actuel du monde et de l'humanité, essayons de prévoir ce qui nous attend, nous moines, vivant non plus dans le désert chanté par le père Muard comme le plus adapté pour y vivre la rupture décidée par lui, lui l'apôtre-né, l'homme donné. Moins que jamais « Nul n'est une île » - ainsi disait le moine Thomas Merton - et un monastère ne sera jamais une secte pleine de secrets ou un musée pour visiteurs attachés au seul temps passé.

On peut l'espérer, les moines - il y aura toujours des moines ! - en suivant purement et simplement, ce qui n'est pas si simple, la Règle des moines écrite par saint Benoît, honoreront les trois grands devoirs cités comme urgences par les évêques dans leur récente Lettre aux catholiques de France : liturgie, service, témoignage. Ils le feront selon les exigences mêmes de leur profession monastique, disons de l'évangile, en harmonie avec les exigences des autres vocations chrétiennes, au profit du même monde, au sein de l'Eglise du Christ.

Liturgie. La liturgie des moines est la liturgie de cette église, elle est l'Eglise en prière, jour et nuit, adorant Dieu, demandant à Dieu sa vie, remerciant Dieu de la donner au monde, de persuader les hommes qu'aucun péché n'est impardonnable, qu'ils sont appelés à devenir frères, sans exclure personne. Et le sérieux des études faites depuis plus d'un siècle sur la nature de la liturgie porte ses fruits, et les moines, par la continuité même de leur recherche de Dieu, disent cette vitalité heureuse.

Service. Un seul mot dit l'essentiel : accueillir. Accueillir tout homme qui frappe à la porte du portier - qui, c'est prévu, ne doit pas être naïf ! En l'an 2050, on peut le prévoir, le nombre des retraitants - en retrait pour respirer vraiment et augmenter ses forces - n'aura cessé de croître, comme tous les monastères en ont l'expérience. Accueillir le pauvre, le routard, l'hôte plus classique, accueillir en moine, discrètement, au nom du Christ, au nom de tous les frères du monastère. Et la finance y a sa part. Accueillir des hôtes en tant qu'ils passent, leur laissant en partage la liberté du Christ.

Témoignage. Témoignage de vie, de vie partagée, de vie continuellement vécue ensemble sans perdre pour cela ce que chacun a de particulier. Témoignage d'une familiarité devenue vitale avec la Parole de Dieu et la foi de l'Eglise. Les témoins les plus écoutés ne sont pas ceux qui parlent le mieux ou le plus, c'est la communauté comme communauté qui témoigne le mieux que la charité est un lien fort, le plus fort. Là est le bonheur durable de devenir frère, et pas seulement confrère. Sans y penser, les moines rappellent ce que la vie, même éprouvée - et la leur a ses rudesses - est encore une très grande grâce.