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COMMENTAIRES
SUR LA REGLE DE SAINT BENOIT
DE L'ORDRE DE LA COMMUNAUTE.
1. Au monastère, on gardera les rangs comme ils sont établis par le temps de l'entrée en religion et par le mérite de la vie, et comme en décide l'abbé.
2. Cependant l'abbé ne mettra pas le trouble dans le troupeau qui lui est confié, et il ne prendra pas de disposition injuste, comme s'il jouissait d'un pouvoir sans limite,
3. mais il songera toujours qu'il devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements et œuvres.
4. C'est donc suivant les rangs qu'il aura établis ou que les frères auront d'eux-mêmes, qu'ils iront recevoir la paix, communier, imposer les psaumes, et qu'ils se tiendront au chœur.
5. Et absolument partout, l'âge ne modifiera pas les rangs ni ne portera préjudice,
6. puisque Samuel et Daniel enfants ont jugé des anciens.
7. Donc à l'exception de ceux que l'abbé, comme nous l'avons dit, fera monter à bon escient ou fera descendre pour des raisons déterminées, tous les autres seront comme ils sont entrés en religion&nsp;:
8. par exemple, celui qui arrive au monastère à la deuxième heure du jour se considérera comme plus jeune que celui qui est arrivé à la première heure, quel que soit son âge ou sa dignité.
9. Cependant les enfants seront maintenus dans l'ordre par tous et en tout domaine.
Lors de la session qu'elle a donnée en mai, V. Margron a dit à un moment une phrase qui m'a touché: « le défi de la fraternité, c'est de gérer la rivalité ». En relisant ce chapitre, il me semble que !'institution des rangs par Benoit est une manière de gérer les rivalités entre frères. Là où il pourrait exister des rivalités liées à la condition sociale, aux capacités intellectuelles, ou bien à l'ancienneté d'âge, Benoit invite les frères à se situer entre eux, en s'appuyant sur l'ordre d'entrée.
Nous n'avons plus les rangs au monastère, car peut-être avons-nous perçu qu'ils instauraient finalement un autre type de rivalité: celle d'être avant ou après, en pouvant suggérer une autre hiérarchie entre les frères. Le fait de ne plus avoir de rang nous rend-il quitte pour autant vis-à-vis de tout esprit de rivalité ? lci, il m'a intéressé de retrouver l'étymologie du mot « rivalité ». II vient du latin « rivalitas », qui vient du mot « rivus », ruisseau, conduite d’eau. D’où découle en français le mot « riverains » « ceux qui tirent leur eau du même cours d'eau » selon le Robert. S'il nous arrive de devenir des rivaux, c'est souvent parce que d'abord nous sommes des riverains. Nous habitons sur la même rive ou sur des rives opposées et nous sommes tous dépendants des mêmes ressources, en eau, en nourriture, mais aussi en affection, en reconnaissance. La rivalité possible entre nous tient au fait que nous vivons une grande proximité dans une commune dépendance. Dans une famille, sans qu'ils l'aient choisi, les frères et sœurs doivent mettre en commun plus que le gite et le couvert, mais aussi une affection et un soutien parental indispensable à leur prise d'envol vers d'autres rives. Devenir frère dans une communauté, c'est choisir d'entrer dans une autre famille de dépendance, devenir riverains de frères qui appartiennent à un monde culturel et à une histoire très différentes. Le défi pour chacun et pour nous tous est de consentir à nous abreuver a une même vie commune qui va nous nourrir, en même temps qu'elle va nous demander de sortir de nous-mêmes pour aller vers les autres. Rien n'est donné d'avance, pas le lien du sang, ni le lien de l'amitié. Tout est à construire et à recevoir. Un même appel nous rassemble. Il fait notre force. C'est l'appel à faire de toute notre vie humaine de relations et de travail, une vie de louange de Dieu avec le soutien de frères. De la fraternité rivalité à la fraternité solidarité, tel est certainement l'essentiel de la conversion qui nous rend peu à peu davantage frères les uns des autres.