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HOMELIE

17 mars
année 2023-2024

Année B - 5° Dimanche Carême - 17 mars 2024
Jérémie 31, 31-34 / ps 50 - Hébreux 5, 7-9 - Jean 12, 20-33
Homélie de F. Basile

« L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié… Maintenant mon âme est bouleversée - Père, sauve-moi de cette heure ! Mais non, Père, glorifie ton Nom. »
F & S, c’est dans ces termes que l’évangile de Jean nous rapporte l’affrontement de Jésus à sa propre mort, ce que les autres évangiles situent un peu plus tard au jardin de Gethsémani, juste avant son arrestation.
Le 4° évangile n’a pas fini de nous étonner si nous essayons d’en saisir le sens et la progression. Nous savons comment cet évangile est sous-tendu par « l’heure qui vient ». C’est à Cana, tout au début de sa vie publique, que Jésus disait à Marie : Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue », et pourtant ce jour-là, à la prière de Marie, le vin a coulé et la gloire du Christ s’est manifestée pour la 1° fois.
Aujourd’hui, nous voilà au ch 12, et ce sont des grecs, des païens qui font cette demande : « Nous voulons voir Jésus »; de Philippe à André, la demande remonte à Jésus et elle reçoit une réponse solennelle : « L’heure est venue, l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. » C’est la Croix qui est visée bien sûr, à l’heure de l’accomplissement total, mais c’est aussi pour l’évangéliste l’heure de la Gloire, l’heure de l’exaltation, l’heure où le prince de ce monde va être jeté dehors et où le Christ attirera tout à lui, l’heure de la nouvelle Alliance.
La perspective ouverte ici offre un horizon infini et rassemble toutes choses, alors que dans le passage parallèle de l’évangile de Marc, Jésus déclare à la fin de son agonie : « C’en est fait, l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs » et la lettre aux Hébreux, que nous avions en 2° lecture, souligne elle aussi le grand cri et les larmes de Jésus
Au contraire, dans l’évangile de Jean, la Gloire et la Croix sont désormais liées. Jésus crucifié, c’est Jésus glorifié : depuis que le Fils de l’homme a été élevé, c’est la seule manière pour Jean d’envisager la mort du Christ, et cela peut nous interroger.
C’est dans ce même passage que Jésus cite la parabole de la semence, le grain qui meurt et porte beaucoup de fruit : parabole familière chez Marc et Matthieu, mais ainsi placée par Jean au début de la Passion, elle brille d’une lumière nouvelle ! L’accent n’est pas mis sur le rendement, mais sur la graine enfouie, sur la mort et la vie, sur la mort lucidement acceptée et la vie entièrement donnée, sur le service qui peut aller jusqu’à la mort. C’est pour lui, mais aussi pour nous que Jésus prononce ces paroles : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur, et mon Père l’honorera, le glorifiera. »

Comment ne pas évoquer ici tous les martyrs, connus ou inconnus, tous ceux qui ont semé l’Eglise en donnant leur vie. Tout près de nous, je pense au P. Jacques Hamel assassiné en juillet 2016 ; il y a, bien sûr, nos 7 frères de Tibhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars, et retrouvés morts 2 mois plus tard. Même si cela est plus loin de nous, je voudrais mettre en lumière saint Oscar Romero, canonisé en 2015 par le pape François : archevêque de San Salvador, il fut assassiné au cours de l’eucharistie en pleine homélie le 24 mars 1980. Comme le Christ, il est allé jusqu’au bout ; en prenant le parti des pauvres, c’est là qu’il s’est converti, il savait les risques qu’il courait, les menaces qui pesaient sur lui et qui ne l’empêcheront plus de parler. Dans une de ses dernières homélies, il avait dit : « Comme chrétien, je ne crois pas à la mort sans la résurrection. S’ils me tuent, je ressusciterai dans le peuple du Salvador. »
Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Les fruits, nous les connaissons : c’est l‘espérance des pauvres, l’espérance de tous ceux qui se sont relevés et remis debout à cause de sa vie offerte, par la force de l’évangile vécu. Oui, l’heure est venue avec la mort de Jésus lucidement acceptée, avec son élévation sur la croix et son souffle remis entre les mains du Père, l’heure est venue où la gloire du Fils de l’homme ne cessera plus d’être manifestée, jusqu’à nous aujourd’hui. « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore »
Voilà bien l’Alliance nouvelle, annoncée par le prophète Jérémie, réalisée pleinement à la mort de Jésus, où tous les hommes sont appelés à entrer ; la présence des grecs, des païens au début de l’évangile aujourd’hui, en est le signe avant-coureur. « J’attirerai à moi tous les hommes. »
Cette Alliance nouvelle, dit le prophète, c’est Dieu qui inscrira sa Loi au plus profond des cœurs, non plus sur des tables de pierre, mais sur des cœurs de chair, et tous, nous connaîtrons le Seigneur. Celui qui n’est pas nommé, c’est l’Esprit Saint, mais Paul dira qu’Il est la Loi nouvelle inscrite dans nos cœurs.
Nous voyons combien toutes ces paroles convergent dans l’heure de Jésus : l’heure de la Croix, mais aussi de la Gloire, l’heure de la mort, mais aussi de la Vie donnée, l’heure du souffle remis au Père, mais aussi de l’Esprit répandu. C’est tout le mystère pascal, la Pâque nouvelle que nous allons célébrer dans quelques jours, mais déjà dans chaque eucharistie.
Frères et sœurs, n’oublions pas que même dans la souffrance, la maladie ou l’échec, si nous les vivons avec Jésus, nous ne dirons pas : « Père, sauve-moi de cette heure », mais comme Jésus : « Père, glorifie ton Nom. »

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