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HOMELIE

24 décembre
année 2023-2024

Année B - 4e dimanche Avent, 24 décembre 2023
— 2 S 7, 1...16 ; Rm 16, 25-27 ; Lc 1, 26-38
Homélie du F. Charles Andreu

Regarde, j’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile. Nous partagerions volontiers les scrupules du roi David. L’arche de Dieu ne mérite-t-elle pas un palais, un temple solide et magnifique ? Et pourtant le Seigneur refuse que David lui construise quoi que soit ; il préfère vivre sous la tente. Cette curieuse préférence divine habite encore le mystère de Noël : Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous chanterons-nous bientôt, mais le sens original des paroles est plus précis : le Verbe s’est fait chair, et il a planté sa tente parmi nous. De fait, si rien ne dit que Jésus ait effectivement vécu sous la tente, son ministère a été une longue itinérance, l’itinérance de qui n’a pas de maison.
La tente ou la maison ? La préférence du Seigneur nous dit sa manière d’être au monde : s’il demeurait dans une maison, il nous faudrait venir à lui ; s’il campe sous la tente, il peut toujours venir à nous. Viens Seigneur Jésus, avons-nous chanté durant tout l’Avent ; ce soir, à Noël, il ne cesse pas de venir ; au contraire, il habite notre monde comme celui qui vient. Tant de gens se sentent loin de nos temples de pierre ; mais nul n’est trop loin de celui qui peut nous rejoindre, où que nous soyons, car il habite le monde en pèlerin.
La tente ou la maison ? Nous aimons bien, quant à nous, jouer les architectes, construire des murs. Des murs magnifiques sans doute, qui prétendent honorer le Seigneur, mais qui sont finalement une manière de l’assigner à résidence : murs d’une théologie qui se crispe sur ses positions et son langage, qui censure l’audace de rejoindre la vie, les attentes et la créativité de nos contemporains ; murs d’une morale binaire du permis/défendu derrière lesquels se retranche la peur de s’exposer à la complexité du réel. Que le Seigneur lui-même sorte de ses murs, qu’il plante sa tente hors les murs, et nous voilà perdus, scandalisés, comme le furent les pharisiens : cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! Chacun peut se demander : qui sont ceux auprès de qui je considère que le Seigneur ne devrait pas aller, du moins tant qu’ils n’ont pas fait un chemin que je serais moi-même incapable de faire ?
La tente ou la maison ? L’alternative ne concerne pas simplement le Seigneur : depuis notre baptême, la tente du Seigneur, le lieu où il demeure, c’est nous-même. Regardons Marie, dans l’évangile. En elle habite le Fils du Très-Haut, à qui Dieu donnera le trône de David ; reste-t-elle à attendre qu’on vienne à elle, qu’on lui construise un palais ? Non, elle s’en va, elle part à la rencontre de sa cousine Élisabeth. Et elle ne part pas pour être servie, mais pour servir, pour honorer ainsi ce que le Seigneur a déjà fait chez sa cousine, et que l’ange vient de lui apprendre. Être la tente qui porte le Seigneur à nos frères et sœurs, suppose, paradoxalement, d’accepter d’être précédé par lui. La mission, ou même le service fraternel, ne peut être un don que si elle est d’abord émerveillement, reconnaissance de la présence et de l’action du Seigneur en l’autre, même, et peut-être surtout, chez ceux que nous jugeons loin de lui. Sinon, elle est une condescendance qui ennuie, ou qui blesse.
La tente ou la maison ? La tente du Seigneur, c’est aussi l’Église, appelée à être présence du Seigneur en ce monde. Ici encore, nous aimons faire de cette humble tente un édifice grandiose. Certes, dans le jeu des métaphores bibliques, l’image de l’Église comme construction existe bel et bien, mais comme un appel à la communion, et pas à la pétrification de la vie. De la tente, nous redoutons la pauvreté fragile et exposée ; mais peut-être est-elle plus sûre qu’on ne croit : quand la terre tremble, il est plus sûr de vivre sous la tente que sous les voûtes d’une cathédrale. Aujourd’hui où l’Église est effectivement ébranlée, où tant de murs se lézardent, la tentation est grande de toujours chercher à colmater les brèches, à étayer et épaissir des murs qui nous enfermeront finalement dans une sorte de bunker. Or peut-être le Seigneur nous invite-t-il au contraire à retrouver le goût de vivre sous la tente : proximité humble offerte à tous, reconnaissance du Seigneur qui nous précède en chacun.

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