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HOMELIE

03 décembre
année 2023-2024

Année B - 1° Dimanche Avent - 3 décembre 2023
Esaïe 63,16 à 64, 7 / ps 79 /1 Corinthiens 1, 7-10 -Marc 13, 33-37
Homélie du Frère Basile

« Veillez » : le message est clair, le mot est répété ici 4 fois ; dans l’évangile de Marc, ce sont les dernières paroles de Jésus sur la fin des temps où nous sont annoncées aussi des catastrophes cosmiques ; pourtant Jésus ne dit pas cela pour terrifier ses auditeurs ; il faut veiller parce que le Seigneur va revenir : voilà la grande certitude, mais aussi la grande inconnue : nous ne savons pas quand il reviendra !
« Veillez » cela veut dire littéralement : ne pas dormir, rester éveillé. Ce mot avait un sens beaucoup plus fort pour les premières communautés chrétiennes, qui attendaient le retour imminent du Seigneur. Paul en parle dans sa lettre aux Corinthiens : « Vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. » Mais ce retour n’a pas eu lieu et au fil des temps l’attente s’est émoussée, très émoussée : la vie ordinaire avec tous ses problèmes a vite pris le dessus : manger, boire, dormir, trouver du travail etc… Aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, les chrétiens sont plus préoccupés de l’avenir de leurs communautés et de l’avenir du monde que du retour du Christ. « Chrétiens, qu’avons-nous fait de l’attente ? » disait déjà le P. Teilhard de Chardin il y a presque 100 ans, et le P.Albert-Marie Besnard écrivait il y a 50 ans, au début de la réforme liturgique : « Un Christianisme qui devient insensible à l’attente du retour du Christ, perd tout son ressort… Nous ne sommes plus que des chrétiens fossilisés, se survivant à eux-mêmes, incapables d’être la pointe avancée du Royaume de Dieu. »
J’aime cette expression « la pointe avancée du Royaume de Dieu », car elle donne le sens profond de notre vie monastique. Non pas que nous soyons les meilleurs ou les premiers, mais Dieu nous appelle à être des veilleurs, des guetteurs du Royaume qui vient.
Il y a dans le prophète Isaïe, au chapitre 21 une parole étrange, mais tellement actuelle : « Une voix me crie : ‘Veilleur, où en est la nuit ?’ Et le veilleur répond : ‘Le matin vient, et puis encore la nuit…’ » Ah, cette nuit qui n’en finit pas pour les grands malades, mais aussi pour tous ceux qui sont pris dans la guerre, qui ne savent pas si demain il seront encore en vie ! N’y a-t-il pas une urgence à crier vers le Seigneur dans la nuit : « Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? » Et ce sont les mots des psaumes qui résonnent dans cette église chaque nuit ; ils nous apprennent le secret d’une prière inlassable qui porte vers Dieu les cris et les espoirs des hommes d’aujourd’hui. Oui, il faut plus que jamais des veilleurs sur le monde pour attendre l’aurore : le veilleur est debout, il a confiance au nom des autres.
Mais, vous l’avez remarqué, Jésus ne demande pas seulement au portier de veiller ; il confie à chacun son travail et il dit à la fin : « Je le dis à tous : Veillez ! » Frères et sœurs, vous êtes compris dans ce « tous ». Le chrétien est un veilleur parce qu’il a reçu l’Esprit des prophètes, qui lui donne de voir loin, d’être attentif aux signes de transformation du monde, à tout ce qui remet l’homme debout.
Cela veut dire qu’il y a plusieurs manières de veiller, de tenir ses yeux ouverts. Ce que dit Paul aux chrétiens de Corinthe, complète très bien l’appel de l’évangile et le traduit en termes positifs : « Aucun don de grâce ne vous manque ; vous avez reçu toutes les richesses de la Parole pour attendre le Seigneur Jésus et déjà lui rendre témoignage ; et par-dessus tout, vous pouvez compter sur la fidélité de Dieu qui vous fera tenir bon jusqu’au bout. »
F & S, ne nous endormons pas : la grâce de l’Avent, c’est de réveiller ces dons en nous, de remonter le ressort pour regarder en avant (et non pas en arrière), car Dieu vient à notre rencontre, il vient dans l’histoire à travers nos vies et nos morts d’hommes et de femmes, qui se battent pour un monde meilleur, à travers les guerres, les épidémies, les révolutions, les espoirs de paix. Dieu vient dans une histoire, et il en est le sens dernier, car cette histoire est orientée vers le Jour du Christ, ce jour où la lumière l’emportera définitivement sur toutes les ombres de la nuit.
Veiller, c’est urgent. Peut-être n’y a-t-il que 2 urgences dans le monde : la prière et l’amour, à vivre en interaction. Le jour où nous comprenons que ce n’est pas nous qui aimons, c’est Dieu qui aime en nous, nous pouvons comprendre alors que c’est Dieu qui veille en nous. Avec une inlassable patience, il veille sur les hommes ; et quand il voit la misère de son peuple, il est prêt à descendre, à venir se faire l’un de nous. « Ah si tu déchirais les cieux, si tu descendais « demande le prophète Esaïe. Il est venu, il vient encore, mais pas de manière terrifiante. Il vient en nous de l’intérieur, comme le dit un mystique flamand : c’est nous qui ne savons pas le reconnaître. « Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. » C’est toi, Seigneur, qui veilles en nous, avec une fidélité inlassable.
« Veilleur, où en est la nuit ? » et Paul répond : « Il est fidèle, celui qui nous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur : c’est lui qui vous fera tenir jusqu’au bout. »
Frère Basile

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