Textes spirituels

Règle de saint Benoît

Commentaires sur
la Règle


Homélies

Méditations

Références bibliographiques



Formations, stages


HOMELIE

01 novembre
année 2022-2023

TOUSSAINT 2023
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé

Frères et sœurs, Heureux…Bonheur… Nous aimons entendre ces mots. Des mots magiques qui viennent toucher en chacun de nous une fibre profonde et vitale tant le désir de vivre est inséparable du désir d’être heureux. Mais ce désir peut parfois devenir comme une quête insatiable et aveugle tellement personnelle qu’elle oublie les autres. Le risque est alors que notre recherche de bonheur se fasse au détriment des autres. Mon bonheur peut-il être véritable alors que beaucoup d’autres n’y ont pas accès ? Ces questions envisagées sur le plan personnel redoublent d’intensité lorsqu’on les projette sur le plan collectif. Le modèle de bonheur très matérialiste promu par nos sociétés occidentales est-il un bonheur vrai ? Est-il un bonheur juste dès lors qu’il s’est construit dans l’histoire récente au détriment de pays lointains dont on a en bonne part exploité les ressources à notre profit ? La crise écologique actuelle révèle l’impasse de nos systèmes de production qui se sont faits au détriment de notre terre commune, comme à celui de nombreux peuples qui en souffrent les premiers. Nous avons atteint un certain standing de vie dans lequel on a pensé trouver le bonheur. Mais s’il n’est pas partagé par tous, peut-il nous satisfaire ?
L’évangile des béatitudes que nous venons d’entendre veut nous garder en alerte, quelque part dans une insatisfaction permanente. Il s’offre à nous comme un antidote de nos illusions de bonheur. Là où l’on pense que pour être heureux, il faut accumuler ou simplement se rassurer par des réserves, Jésus nous présente la pauvreté, la pauvreté de cœur, l’humilité, comme une clé assurée pour nous ouvrir les portes du Royaume, de la vie pleine et éternelle. Là où on voudrait pour être heureux asseoir notre puissance en faisant taire éventuellement toutes oppositions ou contradictions, Jésus nous dit « heureux les doux, heureux les miséricordieux, heureux les artisans de paix »…Le bonheur qui a un avenir n’est pas dans la toute-puissance. Il est là où se creuse en nous une ouverture à l’autre, à l’étrange, au différent, au pas comme nous… Ce bonheur a les promesses de la vie éternelle car n’est-il pas celui de notre Père des Cieux qui fait une place à chacun ? Là où on voudrait être heureux à bon marché, sans trop se préoccuper de ce qui se passe à côté de nous, Jésus nous dit : « heureux les affamés et assoiffés de justice, heureux les persécutés pour la justice ». Ceux-là sont des êtres insatiables tant que le bien n’a pas triomphé sur l’injustice. Ils portent en creux un vrai bonheur, celui qui fait sa place à tous et qui ne supportent pas que quelques-uns en soient excluent. Frères et sœurs, à nous sont adressées de nouveau ces paroles de feu qui voudraient réveiller le goût de ce bonheur qui fait sa place à chacun. C’est le bonheur révélé par Jésus, le Fils qui connait le désir de son Père d’ouvrir largement à tous ses enfants les portes de la vie qui ne finit pas. Ce bonheur reste comme balbutiant en ce monde. On l’entrevoit, puis il nous échappe. Mais à nous chrétiens, il nous revient de le chercher sans cesse, en ne nous satisfaisant jamais du bonheur que nous pouvons apparemment goûter, alors que tant d’autres personnes en sont exclues.
Récemment, je parlais avec une personne d’une 50ne d’année, handicapée comme sa sœur depuis l’enfance. Ne pouvant pratiquement pas se déplacer, toutes deux gardent toujours la maison, un petit logement où il faut calculer strictement toutes les dépenses pour faire face à la vie courante. Elle me disait : « La vie est difficile. Depuis l’enfance, nous sommes habituées, mais nous sommes de plus en plus fatiguées. Il n’y a pas de répit ». Ayant la foi, elle ajoutait : « Nous prions beaucoup en offrant nos souffrances. Ce qui nous fait tenir, c’est la phrase de la Vierge à Ste Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse en ce monde mais dans l’autre » … Comment ne pas entendre dans leur foi, comme en écho, la parole de Jésus qui sonne comme une promesse : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés »… . Ces femmes ont trouvé dans leur foi, le ressort pour garder la tête hors de l’eau. Leur espérance du bonheur à venir les gardent vivantes, non centrées sur elle-même. Sans espoir de guérison pour elles-mêmes, à travers la prière, elles font de leur vie, apparemment inutile pour notre société, une vie tournée vers le Seigneur et vers les autres. Elles sont les saintes de la porte d’à côté, les saints d’aujourd’hui dont parle le pape François…
Sur le chemin du bonheur, sur la route de la sainteté, avec tous les saints du ciel, en cette eucharistie, rendons grâce à Dieu. Dans le Christ, l’Agneau immolé et ressuscité pour nous, il nous partage, et sa vie et sa sainteté. Ouvrons-lui nos cœurs.

Retour à la sélection...