Textes spirituels

Règle de saint Benoît

Commentaires sur
la Règle


Homélies

Méditations

Références bibliographiques



Formations, stages


HOMELIE

29 octobre
année 2022-2023

année A ; 30e dimanche du Temps 0rdinaire, 29 octobre 2023
— Ex 22, 20-26 ; 1 Th 1, 5c-10 ; Mt 22, 34-40
Homélie du F. Charles Andreu

L’amour de Dieu ; l’amour du prochain. Les chrétiens aiment reconnaître dans ce double commandement de la Loi d’Israël le cœur vivant de leur foi. Mais savons-nous ce que veut dire « aimer » ? Osons interroger notre expérience, et non pas une vision idéalisée de l’amour. On parle d’amour pour tant de choses : amour de Dieu, amour d’un père et d’une mère, d’un frère et d’une sœur, amour des époux, des amis, du prochain, de l’inconnu que je ne reverrai jamais, amour des ennemis. Chacun de ces amours peut être source de vie ; chacun peut aussi être mauvais, et faire du mal. Car bien souvent, avant d’être un choix de vie, l’amour surgit en nous comme la résultante d’un mélange confus de conditionnements, engendrant en retour bien des débats intérieurs où se mêlent la joie et la peine, le réconfort et la peur. Nous n’aurons pas trop d’une vie pour démêler ce qui se joue en nous quand nous aimons, et surtout pour apprendre à aimer vraiment. Aimer est une quête. Ce matin, à l’écoute de l’évangile et de notre expérience commune, je vous propose de méditer sur trois dimensions de ce que nous appelons « amour » : l’affect, le désir et le don. L’affect, dans l’amour, c’est la capacité à être touché par l’autre. Dans l’évangile, nous voyons souvent Jésus bouleversé : bouleversé par la veuve de Naïm, bouleversé par les foules sans bergers. Et il en va bien de l’amour : « Voyez comme il l’aimait » disent ses proches en le voyant pleurer son ami Lazare. Comment aimer, si l’autre ne me touche pas, ne me rejoint pas, d’une manière ou d’une autre ? Il me touchera parfois par sa peine qui me bouleverse, parfois par ses dons qui me réconfortent. Sous toutes ses formes, l’affect est bon s’il délivre de l’indifférence, de l’enfermement sur soi : ouvrant en moi une place pour l’autre, il ouvre le chemin de l’amour. La capacité d’être affecté par l’autre se cultive, et c’est un des rôles de la Loi et des prophètes de l’éveiller. La première lecture ne disait pas seulement ce qu’il faut faire pour le pauvre, elle aide à se mettre à sa place : sans son manteau, il aura froid ; et toi, tu aimes avoir froid ? Ça peut paraître idiot, mais c’est la base de tout, qu’on oublie facilement. Le désir, dans l’amour, c’est ce qui en nous recherche la rencontre avec l’autre. Dans l’évangile, Jésus ose exprimer son désir : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous » ; « Père, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi ». Jésus ne nous sauve pas comme on répare une machine. D’une machine, on n’attend qu’elle fasse son travail, et nous laisse tranquille ; Jésus, lui, désire entrer en communion avec nous. De même, quand nous aimons, le désir prend une place très importante, quoique sous des formes très différentes d’une relation à l’autre. Parfois il sera simple et paisible ; parfois nous serons troublés par sa force, par ce qu’il éveille en nous, et peut-être nous entraîne là où nous ne voudrions pas aller. Ce n’est pas un choix, et donc pas un péché : c’est « comme ça ». L’enjeu est d’apprendre à travailler ces désirs, à les accorder à nos engagements et à notre désir profond, à transformer nos pulsions égoïstes en impulsion pour plus de bienveillance, de respect, de service. Le désir, travaillé et non pas nié, peut devenir une force pour mieux aimer. Le don, dans l’amour, c’est la capacité à se mettre au service, plus encore, à donner la vie : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », nous dit Jésus. Le don, ce n’est pas seulement le service angoissé de Marthe, c’est aussi le temps offert, la présence attentive de Marie. Le don, par ailleurs, doit accepter la réciprocité, sinon je risque de réduire l’autre à être le déversoir de ma générosité, ou l’occasion de ma bonne conscience, ce qui est très violent. Or c’est l’amour encore qui me fera reconnaître qu’il est un don, qu’il me fait vivre, à sa mesure. Cette reconnaissance est le plus beau don que je puisse lui faire. L’affect, le désir, le don : ces trois variables qui composent tout amour doivent sans cesse s’ajuster et s’enrichir mutuellement, comme doivent s’ajuster et s’enrichir mutuellement toutes les formes d’amour qui traversent nos vies. La diversité de ces amours est une richesse ; et ils seront ensemble, véritablement, un même amour, si ensemble ils donnent vie, s’ils ne refusent à personne cette part de vie que le Seigneur nous appelle à lui donner.

Retour à la sélection...