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HOMELIE

03 septembre
année 2022-2023

Année A - 22e dimanche T0, - 3 septembre 2023 —
Jr 20, 7-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27
Homélie du F. Charles Andreu

Chers frères et sœurs, quel douloureux revers pour l’Apôtre Pierre. Dans l’évangile de dimanche dernier, Simon recevait le nom de Pierre, roc solide de la foi ; aujourd’hui, Jésus l’appelle Satan. Hier, il l’avait proclamé bienheureux pour ses paroles inspirées par le Père ; maintenant, il le rabroue pour des paroles ne viennent pas de Dieu, mais des hommes : Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas ! Ces paroles sont-elles donc scandaleuses ? Cela ne t’arrivera pas, n’est-ce pas la cri qui nous habite, qui devrait nous habiter, devant toute détresse ? Quand la souffrance envahit le corps ou de l’esprit, quand la guerre emporte des vies, quand l’ébranlement de l’équilibre délicat de la nature menace la planète entière, à commencer par les plus pauvres, quand s’exercent toutes sortes d’abus, quand l’injustice sociale engendre la violence, ne faut-il pas que des hommes et des femmes, par leurs paroles et par leur engagement concret, osent dire à leurs frères : Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas ? Et en parlant ainsi, c’est au Seigneur aussi qu’ils s’adressent, puisqu’il a dit : c’est à moi que vous l’avez fait. Ainsi l’Évangile ne doit pas inhiber ce cri, mais l’épanouir, le libérer des gangues d’égoïsme, d’indifférence et de déni qui rendent aveugle, muet, passif devant la souffrance, devant la croix. Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas ! Et pourtant, frères et sœurs, cela nous arrive. D’une manière ou d’une autre, la croix traverse nos vies. Et il faudrait savoir en parler autrement qu’à dire, comme l’a fait un certain discours chrétien, que le Seigneur nous « envoie des croix ». Ne jamais laisser entendre non plus à celui qui croit sa responsabilité engagée, que la croix serait un châtiment divin. Ce n’est pas le père qui a interdit à son enfant de mettre ses doigts dans la prise qui le punit en lui envoyant une décharge. Personne à vrai dire ne le punit. Il ne s’agit pas de cela. Pourtant, avec quelle ténacité de telles idées hantent-elles nos consciences ! Avant d’entrer dans un projet divin, la croix appartient à notre humanité, à cette part irréductible de pauvreté, de vulnérabilité et de péché qui blesse notre existence. Porter sa croix, c’est l’accepter et le traverser en un chemin pascal, tandis que la révolte contre soi, contre les autres ou contre Dieu ne serait qu’un enferment stérile et destructeur, une façon de perdre sa vie en cherchant à la sauver. Mais avec quelle délicatesse et quelle prudence faudrait-il savoir le dire, tant ces paroles, sans le vouloir, risquent d’imposer le fardeau d’une culpabilité qui accable davantage, d’imposer une nouvelle croix. La grandiloquence est ici particulièrement dangereuse. Et il vaut souvent mieux, par des actes tout simples d’amour qui, mieux que des discours, manifestent à nos frères leur valeur infinie, nous aider les uns les autres, non seulement à nous accepter tels que nous sommes, mais à nous aimer tels que nous sommes, à estimer assez notre vie pour trouver la force d’y porter même la croix. Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas ! Et pourtant c’est arrivé. Dieu ne nous envoie pas des croix, mais il nous a envoyé son Fils, et le Fils porte la croix. Sur la croix, il ne porte pas notre punition, il partage notre condition. Pierre voulait bien croire que Jésus est Fils de Dieu ; il peine à croire que le fils de Dieu puisse être fils de l’homme jusque-là. Paradoxalement, c’est une pensée qui vient des hommes et non de Dieu : il nous est plus spontané de croire en un Dieu sur lequel projeter nos rêves de toute puissance, construit à l’aune de notre peur secrète, ou de notre mépris avoué, de tout ce qui est vulnérable, de quiconque prend le risque d’aimer plutôt que de dominer. Mais c’est l’humble salut d’une vulnérabilité partagée que nous offre Jésus. Ce partage est salut car il est amour, c’est-à-dire source de vie et de paix, au lieu même où la douleur risque de nous recroqueviller dans une logique de mort. Demandons au Seigneur la grâce d’accueillir cet humble salut de l’amour, d’accueillir notre humanité que Dieu vient habiter.

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