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HOMELIE

13 août
année 2022-2023

19e dimanche ordinaire (A) (13/08/2023)
(1 R 19, 9a.11-13a – Ps 84 – Rm 9, 1-5 – Mt 14, 22-33)
Homélie du F.Jean-Louis

Frères et sœurs, Nous avons tous, que nous le voulions ou non, une ou des représentations de Dieu, du Christ qui nous habitent. Représentations venant de notre éducation, de notre catéchèse, sans doute, de notre fréquentation plus ou moins régulière de la Bible. Et il est normal que ces représentations nous habitent. Les mots même de l’Église pour dire Dieu (Père, Fils, Esprit) ne sont pas sans évoquer des images, des expériences heureuses ou douloureuses. Il n’est certainement pas facile d’appeler Dieu « père » si l’on a l’expérience d’un père violent et cela se comprend.
Mais s’il est normal d’avoir des images de Dieu, il importe d’être conscient que ces images ne nous disent pas totalement qui est Dieu, qu’elles ne sont pas Dieu, sinon, nous risquons de créer une idole, un Dieu à notre image, selon nos conceptions et cela peut être destructeur. Méfions-nous si nous nous disons : « Dieu est ainsi, comme je le pense, et ce n’est pas négociable ». C’est pour cela que la Parole de Dieu et la tradition de l’Église sont essentielles pour nous ouvrir à une réalité qui nous dépasse. Un Dieu qui est toujours nouveau, qui n’a jamais fini de se découvrir de se révéler à nous. Quelle illusion que de croire pouvoir tout dire sur Dieu !
Et les lectures d’aujourd’hui sont une bonne invitation à prendre conscience des a priori, des idées sur Dieu qui peuvent nous habiter. Elles peuvent aussi nous montrer comment des grands croyants, dans l’histoire, ont eu parfois ce chemin de remise en cause à faire.
Dans la première lecture, le prophète Élie se rend au mont Horeb, autre nom pour le Sinaï dans la Bible, et, comme Moïse jadis, il se cache dans une caverne en attendant le passage de Dieu. Lors du don de la Loi à Moïse au Sinaï, Dieu s’était présenté au milieu du tonnerre, d’éclairs qui avaient d’ailleurs effrayé le peuple attendant au bas de la montagne. Et, ici, Élie, prévenu par le Seigneur lui-même qu’il va passer, sort de sa grotte et attend sans doute un même type d’expérience.
Et, de fait, à l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan mais d’une force inouïe, qui fendait les montagnes et brisait les rochers, d’une force telle qu’on aurait pu penser que Dieu habitait cet ouragan extraordinaire. Et pourtant, le Seigneur n’y est pas. Puis vient un tremblement de terre qui pourrait aussi être le lieu de Dieu, tant sa puissance est imposante. Mais le Seigneur n’y est pas non plus. Puis un feu, mais le Seigneur n’y est toujours pas. Toutes les forces imposantes de la nature qui pourraient apparaître aux hommes comme des lieux de Dieu n’en sont pas.
Et enfin le murmure d’une brise légère, littéralement, le bruit d’un fin silence. Et, à ce moment Élie sort de la caverne pour rencontrer son Dieu car c’est là qu’il est présent.
L’évangile, lui, nous montre le chemin que les disciples proches du Christ vont avoir à faire en traversant, de nuit, le lac de Génésareth. Ils sont seuls, le Christ est resté sur terre pour prier et, de plus, il y a de fortes vagues car le vent leur est contraire. Et voilà que celui qu’ils suivent déjà depuis quelques temps s’approche d’eux en marchant sur la mer. Or, dans la Bible, la mer est le symbole des puissances du chaos et de la mort. Du coup, les disciples prennent Jésus pour un fantôme. Puis, Jésus appelle Pierre qui voulait s’assurer par une preuve, qu’il ne s’agissait pas d’un fantôme mais bien de son Maître. Et Pierre doute, Jésus lui vient en aide et les deux se retrouvent dans la barque avec en prime le vent qui se calme brusquement. Jésus manifeste alors son pouvoir sur les forces de la mort, sur leur expression naturelle et les disciples le reconnaissent alors comme Fils de Dieu. Ils sont donc amenés par cet épisode, à reconnaître la filiation divine de Jésus, à lui faire confiance. Mais la suite de l’évangile montrera que cette foi sera encore bien fragile, même après la résurrection où les disciples peineront à croire au ressuscité pourtant présent devant eux.
Quant à la seconde lecture, c’est à un autre déplacement qu’il nous invite, nous, mais aussi les chrétiens qui nous ont précédés.
Saint Paul, en effet, nous dit sa souffrance pour les Juifs, ses frères de race mais à un point assez incroyable. Il dit en effet :« je souhaiterais être anathème, séparé du Christ pour eux. » Dieu sait combien Paul a proclamé son amour pour le Christ et voilà que pour le salut des Juifs, il préfèrerait être séparé du Christ. Peut-on aller plus loin ? Et il décrit ensuite les qualités des Juifs, des israélites : « ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu, ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né. » Voilà un déplacement radical auquel Paul nous invite et qui est actuel à une époque où renaît l’antisémitisme. Si les chrétiens avaient retenu ces paroles fortes d’un apôtre dont ils se sont tant réclamés, et à raison, je pense que bien des drames, bien des vies auraient été épargnées. Si l’Eglise avait consenti à ressourcer sa foi dans la tradition juive bien avant le Concile Vatican II et la reconnaissance de la dignité du peuple juif, nos frères aînés, il me semble que bien des impasses auraient été évitées Mais il n’est pas trop tard et nous ne pouvons pas ne pas nous laisser déplacer par ce que Paul nous dit. L’ancien Testament est le témoignage des promesses et des alliances de Dieu avec le peuple d’Israël et il ne nous est pas possible de connaître le Christ en profondeur sans connaître les écrits qui ont nourri le Christ durant toute sa vie. Ecrits dont il a donné l’interprétation finale et totale par sa vie et son enseignement.
Regard sur Dieu, regard sur le premier peuple élu, regard sur Jésus, les lectures de ce dimanche nous invitent à accepter de nous déplacer dans nos convictions parfois trop figées, voire fossilisées. Nous avons toujours à nous laisser interpeller par la Parole de Dieu pour grandir dans la connaissance et l’intimité de Dieu, du Christ, et dans le dialogue interreligieux, notamment avec les Juifs peut nous y aider en nous faisant découvrir les richesses déposées dans le cœur des hommes et des femmes de tous horizons, dans nos cœurs aussi.
Frères et sœurs, laissons-nous travailler par ces textes. Ils nous ouvrent des horizons infinis, à l’image du Dieu trois fois saint. AMEN

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