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HOMELIE

13 mars
année 2021-2022

Année C - 2° Dimanche Carême - 13 mars 2022
Genèse 15, 5-12 + 17-18 / ps 26 - Philippiens 3, 17 à 4,1 - Luc 9, 28b-36
Homélie du F.Basile

Frères et soeurs, nous sommes aujourd’hui sur la montagne : ouvrons nos yeux à la lumière divine, nos yeux et nos oreilles, surtout l’oreille du cœur pour écouter sa Parole. « Ecoutez-Le », c’est le dernier mot sur lequel s’achève ce « son et lumière » étonnant de la Transfiguration.
Qu’est-ce que le Seigneur veut nous révéler par là, alors que nous sommes en carême : pourquoi ce détour par la montagne de la Transfiguration ? Mais ce n’est pas un détour, ce n’est pas un épisode parmi d’autres dans la vie de Jésus, c’est un événement central, comme un pivot autour duquel tout s’ordonne. Les 3 évangiles de Matthieu, Marc et Luc rapportent cet événement, chacun avec un accent différent, mais pour les 3, il a bien lieu entre la 1° et la 2° annonce de la Passion, cette Passion du Fils de l’homme que Pierre ne peut accepter.
Sur la montagne, dans le récit de Luc, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de son départ, litt. de son exode, de sa sortie de ce monde, qui aura lieu à Jérusalem, et il nous faut comprendre qu’il s’agit de sa mort et de sa résurrection : la gloire et la croix, il y a là un raccourci très fort que les 3 disciples ne comprennent absolument pas. Ils voient le vêtement blanc, mais ils ne font pas le lien avec le Fils de l’homme souffrant que Jésus leur a annoncé. Ils voient la gloire de Jésus, ils reconnaissent Moïse et Elie, et Pierre propose de dresser 3 tentes, allusion sans doute à la fête des Tentes et au retour du Messie, mais « il ne savait pas ce qu’il disait. » En fait, en redescendant de la montagne, ils vont garder le silence et ils ne comprendront l’événement qu’après Pâques.
Mais nous, devant ce mystère de gloire, de lumière, car la Transfiguration, c’est bien cela : la gloire de Dieu qui rayonne sur un visage d’homme, je crois que nous sommes mieux placés que les disciples pour faire le lien avec Pâques, car seule la lumière de la Résurrection éclaire vraiment la Transfiguration. C’est donc important que nous célébrions ce mystère durant le carême pour nous conduire à la nuit pascale où nous chanterons le Christ ressuscité, notre Lumière. St Paul le dit ailleurs dans une formule magnifique : « c’est Dieu qui brille dans nos cœurs pour y faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. » (2 Cor 4, 6)
Luc est le seul à nous dire que cette illumination du visage de Jésus survient dans la prière. Il emmène ses 3 disciples sur la montagne pour prier, et « pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre. » Il ne s’agit pas d’un flash, d’un spot lumineux qui viendrait l’éclairer ; cette lumière jaillit de l’intérieur, elle vient de sa prière, c’est à dire de sa relation au Père. Les disciples le voient comme ils ne l’avaient jamais vu : c’est bien pourtant l’homme Jésus, mais habité par l’Esprit de Dieu dans une relation unique à son Père ; alors la voix qui s’adresse aux disciples et à nous maintenant prend toute sa force : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le » Voilà ce que nous devons faire aujourd’hui : regarder vers le Christ pour être à notre tour illuminés, transfigurés : « Regardez vers lui, dit le psaume, et vous resplendirez, sans ombre, ni trouble au visage. » (ps 33)
Le visage, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le corps humain : hélas depuis 2 ans nos masques l’ont défiguré. Il est fait pour refléter la lumière et la communiquer aux autres et j’ai envie de dire qu’il est en attente de résurrection ou de transfiguration. Ces 2 mots sont très proches. En ce jour, il nous faut regarder vers le visage du Christ, laisser la source de lumière atteindre tout notre être, changer notre regard, et même notre façon d’aimer. Le P. Shoufani, l’ancien curé de Nazareth, disait :
« Aimer, c’est ne plus voir la vie et les êtres que dans la lumière qui les traverse : c’est voir l’être humain, si opaque parfois, non pas tel qu’il est, mais tel qu’il est appelé à devenir lorsqu’il se sera éveillé à la lumière, tel qu’il est déjà habité par la clarté divine, même s’il ne le sait pas encore. »
Oui, dans la Transfiguration, il y a un déjà là et un pas encore. Car nous sommes tous appelés comme Jésus à ressusciter dans notre corps. Paul disait dans la lettre aux Philippiens (2° lecture) : « Nous attendons le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » Voilà ce « pas encore » que nous attendons, mais déjà, par la transformation de notre regard, illuminé par le Christ, et jusque dans la souffrance même, nous pouvons vivre un peu de la résurrection promise : la Transfiguration n’est pas une antidote à la souffrance et à la mort, une sorte de parenthèse sur un petit nuage, c’est une expérience divine dans notre chair humaine, une expérience capitale pour la vie chrétienne. Elle va donner du sens et de la valeur à notre corps qui souffre, à notre vie qui va vers la mort, et elle contient en germe la résurrection.
J’aimerais citer pour finir un texte d’Olivier Clément, ce grand théologien orthodoxe, qui disait aux sœurs de Pomeyrol : « La Transfiguration ne doit jamais être séparée de cet « exodos » dont parle Jésus avec Moïse et Elie, c’est à dire de sa Passion, de cette réalité de l’amour vécu jusqu’au bout, jusqu’à la mort et donc jusqu’à la victoire sur la mort A partir de ce moment-là, pour nous, la Lumière vient d’une manière accessible, parce que pour nous qui sommes dans la mort, elle nous vient à travers la mort, à travers Celui qui nous rejoint dans la mort, Celui qui a pu dire :’Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’
A partir de ce moment-là, cette Lumière va nous rejoindre dans la profondeur même de l’Eglise, à travers la Parole de Dieu, à travers le pain et le vin de l’Eucharistie, à travers toute cette réalité de l’Eglise qui est le mystère du Christ dans l’Esprit Saint. » (conférence donnée à Pomeyrol en août 1992)
F & S, laissons cette Lumière du Christ nous rejoindre aujourd’hui dans un monde très assombri. Même si pour beaucoup d’hommes et de femmes, c’est encore la nuit, il faut leur dire qu’il y a des lieux, des moments et des êtres de transfiguration. Je pense à notre frère Bernard. Que Dieu lui donne pleine lumière ! Amen
Frère Basile

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