Textes spirituels

Règle de saint Benoît

Commentaires sur
la Règle


Homélies

Méditations

Références bibliographiques



Formations, stages


HOMELIE

11 juillet
année 2020-2021

SAINT BENOIT - 11 juillet 2021
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Luc

Frères et sœurs,
Dans les lectures entendues, il est beaucoup question de bonheur, d’être heureux… Il peut paraitre étonnant qu’un tel choix de lectures ait été fait pour la fête de St Benoit, la fête d’un moine qui a eu une vie forte et austère… Beaucoup en effet s’étonnent et nous posent souvent la question : peut-on être heureux dans la vie monastique ? Est-ce que vous êtes heureux ? Mais finalement c’est quoi le bonheur que promet Jésus, à nous les moines, mais aussi à tous les chrétiens ?
De l’évangile, je retiens trois pistes sur lesquels chercher et nous avancer dans la quête du bonheur qui nous taraude… le bonheur n’est pas comme un bien de consommation qui nous comblerait dans l’immédiat, il ne se fera pas sans les autres, le bonheur n’exclue pas la souffrance.
Le bonheur n’est pas à la mesure d’un bien de consommation qui viendrait assouvir notre soif maintenant. Pour notre mentalité imprégnée par le « tout, tout de suite », marquée par une profonde impatience, Jésus nous invite à un changement de regard et d’attitude dans la quête du bonheur. Il nous déplace. Le bonheur que promet Jésus n’est de l’ordre d’un avoir à portée de main, mais une qualité d’être qui nous met en chemin. Comme en témoigne les verbes au présent et au futur, ce bonheur est déjà là et il est encore à venir. Le royaume des cieux est à eux…ils seront rassasiés… Il est déjà là pour ceux qui sont dans la reconnaissance foncière de leur pauvreté, « heureux les pauvres de cœur »…St Benoit dirait qu’il est déjà là chez ceux qui laissent l’humilité les façonner. En eux pas de division, ni de demi-mesure. Le royaume des cieux est à eux… comment comprendre ce royaume des cieux ? Je fais le rapprochement avec ce que dit St Benoit à propos des humbles, dans la règle, ils goûtent l’amour de Dieu qui chasse la crainte (RB 7,67). Le bonheur est encore à venir comme une promesse pour tous ceux qui se mettent en chemin, pour les doux, ceux qui pleurent, les affamés de justice, les miséricordieux et les artisans de paix. C’est un bonheur en creux, un bonheur que la douceur, la miséricorde, la quête de la justice et de la paix, les pleurs va creuser toujours un peu plus. Si nous nous mettons sur ce chemin nous promet Jésus, notre trésor ne sera pas ce que nous acquérons ou possédons, mais ce que nous devenons. Caché à nos propres yeux et à ceux des autres, ce que nous sommes devenus apparaitra dans la lumière de la vie à venir, lorsque toute chose sera reprise par le Christ dans sa gloire.
Une seconde piste que nous pouvons retenir pour approcher le mystère de bonheur dévoilé par Jésus, ce bonheur ne se fera pas sans les autres. Notre société de consommation tend à nous faire rechercher notre propre bonheur de façon souvent très individualiste, comme si la finalité première était l’accomplissement de soi par soi, par ses propres moyens. Jésus nous découvre que notre bonheur se déploie à la mesure que nous nous tournons vers les autres dans la recherche de la justice, de la paix, de la miséricorde. Dans nos relations avec les autres qui peuvent parfois être conflictuelles ou difficiles, le malheur est de nous replier sur nos peurs ou nos terrains acquis. Au contraire le bonheur va grandir à la mesure où nous nous exposons aux autres. St Benoit dans la règle nous invite à ce même décentrement lorsqu’il invite par exemple à ne pas se coucher sur une querelle mais à se réconcilier avant le coucher du soleil (RB 4, 73), ou encore quand il nous exhorte à ne pas rechercher d’abord son propre intérêt, mais celui d’autrui (RB 72, 7). St Paul dans la seconde lecture nous enseigne à nous revêtir « de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. » Loin d’entendre ces propos comme un commandement, il nous faut les entendre comme une invitation à reconnaitre que tout cela est déjà en nous, car nous sommes « sanctifiés, choisis, aimés par Dieu » dans le Christ… Oui, le bonheur ne demande qu’à grandir en nous : celui de nous tourner vers les autres dans la quête de paix, de justice et de miséricorde… Car le Seigneur par sa grâce en a déposé les germes en nous.
Jésus nous laisse une troisième piste de compréhension pour entrer dans le bonheur : celle de ne pas exclure la souffrance de notre champ de vision et d’action. Il promet le bonheur à ceux qui pleurent, à ceux qui sont persécutés, maltraités, insultés à cause de son nom. Lorsque nous pensons bonheur, nous pensons spontanément « surtout pas de souffrance ». De manière mystérieuse, Jésus nous invite à regarder en face la souffrance, non pas à la rechercher, ni à l’exalter. Elle est là, et les disciples de Jésus la rencontreront. La refuser comme incompatible avec le bonheur promis nous fera passer à côté d’une joie, même « d’une allégresse » nous dit Jésus. Dans la foi, nous ne pouvons entrer sur ce chemin de bonheur qu’en regardant Jésus qui a voulu prendre de la chemin la passion pour aller vers la vie. St Benoit invite les moines à persévérer en partageant par la patience, les souffrances du Christ (RB Prol 50). Comme dans toute vie humaine, la vie monastique nous fait éprouver et vivre des choses difficiles, de notre fait ou du fait des autres…La souffrance est là, liée aux évènements, liée au péché, le sien propre, celui des autres. Va-t-on fuir parce que cela ne ressemble pas au bonheur désiré ? Souvenons-nous alors que Jésus qui a connu ce chemin est avec nous. Comme nous le ferons dans la prière sur les offrandes, demandons-lui de nous aider à nous renoncer à nous-mêmes pour servir le Christ, pour qu’ayant eu part à ses souffrances, nous goûtions à la joie éternelle…

Retour à la sélection...