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HOMELIE

06 octobre
année 2023-2024

Année B - 27e dimanche ordinaire - (06/10/2024)
(Gn 2, 18-24 – Ps 127 – He 2, 9-11 – Mc 10, 2-16) Homélie du F. Jean-Louis

Frères et sœurs, Les lectures de ce dimanche ont pu peut-être vous laisser perplexes.
Le récit de la Genèse et son côté mythologique, l’évangile qui paraît être une condamnation sans appel des divorcés remariés, situation douloureuse que nous avons sans doute à peu près tous rencontrée… Il n’y a que la lecture du passage de la Lettre aux Hébreux qui peut nous donner du courage, de l’espérance…
Et de fait, cette dernière lecture résume ce que nous célébrons ce dimanche, chaque dimanche : car si Jésus a fait l’expérience de la mort, c’est pour conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire. Ainsi, Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères. C’est vraiment une bonne nouvelle qui nous est ici annoncée.
Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères. Voilà l’horizon de notre foi, voilà notre espérance : être introduits dans la gloire de Dieu, être déjà appelés frères du Christ. Frères et sœurs, empêtrés dans nos contradictions, nos refus, n’avons-nous pas tendance à oublier parfois ces paroles pourtant si libératrices ? Voilà peut-être un de nos grands problèmes : le mal, le péché nous empêchent d’avoir pleinement conscience de notre vocation, de notre dignité qui sont celles de tout être humain.
A partir de cette réalité fondamentale du Salut acquis par la Passion, la mort et la Résurrection du Christ, relisons la première lecture et l’évangile.
S’il y a un passage biblique très connu, c’est bien le début du Livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Dieu dit : « Que la lumière soit… et la lumière fut, etc… » Mais il y a un autre récit de création, différent, au chapitre deux de la Genèse dont est extraite la lecture d’aujourd’hui. Nous sommes après la création de l’homme (masculin) et Dieu lui cherche une aide qui lui corresponde. Et il modèle avec de la terre les bêtes des champs et les oiseaux du ciel. Or, dans le premier récit de création du chapitre un, les animaux ont été créés avant l’homme. Ces deux récits de création, différents, qui inaugurent la Bible nous montrent qu’il ne faut pas considérer ces récits comme des récits scientifiques des origines de l’univers. En effet, ces deux récits ne concordent pas. Les auteurs bibliques sont à des années-lumière de notre mentalité scientifique, aussi pertinente soit-elle.
Si, dans le premier récit, Dieu vit que les animaux créés étaient bons, ils ne sont cependant pas une aide qui corresponde à l’homme dans le second récit.
Dieu crée alors la femme à partir de l’homme et il y a ce cri d’admiration de l’homme devant la femme : « Voilà l’os de mes os et la chair de ma chair. » N’est-ce pas la reconnaissance de l’égalité en dignité de l’homme et de la femme ? Et la fin de la lecture n’exprime-t’elle pas la force de la relation de l’homme et de la femme dont l’attachement conduit l’homme à quitter son père et sa mère pour ne plus faire qu’un avec sa femme ? Voilà une nouvelle affirmation de l’égalité en dignité de l’homme et de la femme. On ne fait pas un avec quelqu’un qui vous est inférieur.
Quant à l’évangile, il faut reconnaître que nous sommes tellement marqués par les nombreux divorces, séparations et remariages que nous risquons de projeter cette problématique sur notre texte d’aujourd’hui.
Pourtant, la question « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » vise en fait à mettre Jésus à l’épreuve, à le piéger, à le mettre en défaut par rapport à la Loi de Moïse. Et Jésus a bien perçu le piège, d’où sa réponse qui renvoie à la Loi : « Que vous a prescrit Moïse ? » Et les pharisiens répondent : « Renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Remarquons plusieurs choses : les pharisiens parlent de l’homme qui renvoie sa femme et pas de la femme qui renvoie son mari. Ils ne considèrent pas qu’hommes et femmes ont les mêmes droits. C’est le Christ qui, devant ses disciples, parle du droit de la femme à renvoyer son mari. Ensuite, les pharisiens reconnaissent qu’il y a un acte de répudiation à faire, ce qui constitue déjà un certain progrès dans la condition de la femme. On ne répudie pas son épouse n’importe comment. Il y a une condition à remplir. Ce n’est certes pas l’idéal mais ça amène à reconnaître que la répudiation n’est pas un acte banal qu’on pourrait accomplir sous le coup d’une simple émotion, d’une simple colère. Pour le Christ, c’est une concession faite par Moïse en raison de la dureté des cœurs, car l’homme reste maître du lien entre époux dans la logique des pharisiens. Et le Christ revient alors au principe fondamental de la Genèse évoqué plus haut : l’homme et la femme ne font qu’une seule chair et aucun des deux ne peut se considérer maître du lien qui unit le couple. La répudiation limite en théorie les séparations de couples mais le Christ exige plus.
En fait, dans les pratiques du temps de Jésus, c’est la femme qui était largement victime de cette pratique de la répudiation et l’histoire du christianisme nous montrera que, bien longtemps après le Christ et la prédication de l’évangile, il ne manquera pas de princes ou de rois chrétiens qui répudieront leur femme parce qu’il n’y avait pas d’héritier mâle. Comme quoi l’évangile met bien du temps à imprégner les mentalités.
Finalement, le Christ fixe un horizon, un idéal, mais aussi un avertissement adressé à une mentalité qui considérait l’autre, la femme, comme un objet qu’on use et jette à sa guise : la fameuse « culture du déchet » du pape François. On ne peut se tenir quitte de la Loi en pratiquant la répudiation même selon les règles prévues. Car, pour le Christ, il y a quand même adultère lors d’un remariage après répudiation légale.
Mais qu’en est-il des couples qui vivent un enfer ? des conjoints trahis par un départ ? des séparations qui sont de l’ordre de la survie ? L’évangile rappelle que les liens du mariage ne sont pas à prendre à la légère. Mais remarquons que, dans l’évangile selon saint Jean, le Christ n’hésite pas à dialoguer avec une Samaritaine qui a eu cinq maris et dont l’homme avec lequel elle vit n’est pas son mari. Il ne la rejette pas, il lui demande même à boire. Ainsi, dans son attitude concrète, le Christ accueille tout le monde et entre en dialogue, dialogue qui fait cheminer les gens.
Ainsi, nous pouvons rejoindre les recommandations du pape François dans la pastorale des divorcés remariés : que le prêtre ne soit pas un douanier qui rejette, exclut, mais qu’il soit accueillant aux situations complexes, sans perdre de vue l’horizon très exigeant posé par le Christ, mais en étant, comme le Christ, à l’écoute de toutes les situations concrètes parfois très complexes, des essais de reconstruction d’une relation authentique et respectueuse de l’autre. Et je pense que c’est une invitation faite à tous les baptisés.
Ne pas juger pour ne pas être jugé. On pourrait dire : accueillir pour être accueilli. Que l’Esprit Saint nous inspire les attitudes conformes à la volonté du Christ dans les situations si difficiles que nous pouvons rencontrer de nos jours comme de toujours.
Nous pourrons alors rejoindre le projet de Dieu esquissé par la seconde lecture : « Ne pas avoir honte de ses frères, conduire à la gloire une multitude de frères.
» AMEN

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