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HOMELIE
11 juilletannée 2023-2024
SAINT BENOIT 11-07-2024
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs
Pour notre office monastique à la Pierre-qui-Vire, mais comme cela se fait aussi dans d’autres monastères, nous avons fait le choix de mettre la coule blanche tous les jours à la messe, et en plus pour les dimanches et jours de fêtes aux offices de laudes, de vêpres et de vigiles. Et la semaine de Pâques, nous sommes en blanc à tous les offices. Alors que les autres jours, nous sommes en noir, la couleur plus traditionnelle des moines bénédictins. Les gens nous demandent souvent, mais pourquoi ce changement ? Alors que le noir veut signifier la pénitence et tout le labeur spirituel de conversion que le moine choisit de vivre, le blanc lui rappelle ce vêtement qu’il a revêtu le jour son baptême en signe de la dignité nouvelle de fils de Dieu dont il est désormais porteur. Le vêtement blanc lui rappelle que déjà tout lui est donné et le noir qu’il doit cependant demeurer toujours vigilant et apporter sa collaboration pour que la vie du Christ devienne vraiment toute sa vie.
Il me semble cette pratique des deux vêtements représente comme une mise en œuvre rituelle de ce que nous avons entendu dans les différentes lectures. D’un côté dans la lecture du livre des Proverbes, nous entendions le conseil donné par le sage : si tu fais appel à l’intelligence, si tu recherches, si tu creuses…l’oreille attentive, le cœur incliné comme un chercheur de trésor…. C’est la partie laborieuse de notre vie chrétienne et monastique…c’est le vêtement noir. Et de l’autre côté, nous entendions st Paul affirmer comme une conviction bien établie : « Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience » … Paul met en évidence le cadeau immense que nous avons reçu de la part de Dieu qui nous a choisis et aimés, de manière totalement gratuite, au jour de notre baptême. C’est le vêtement blanc reçu comme un cadeau dont nous ne pouvons surtout pas nous enorgueillir d’y être pour quelque chose. Et St Paul poursuit en quelque sorte : ce vêtement revête-le vraiment. Laissez-le prendre tout son éclat, laissez vivre, osez vivre ces nouvelles qualités de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité de douceur et de patience, qui vous ont été données depuis votre baptême. Ailleurs, Paul osera même dire : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus » (Rm 13, 14) pour manifester que désormais nous sommes étroitement unis au Christ. Et n’avons-nous là pas la Bonne Nouvelle apportée par la vie chrétienne : tout est d’abord donné, et s’il a un labeur spirituel à vivre aujourd’hui, c’est de permettre à ce don immense qui nous est fait de se déployer. Dieu nous a tellement aimés qu’il nous rend capable d’aimer comme Lui, dans la douceur, la compassion, l’humilité, la patience… S’il y a un trésor à rechercher, c’est de creuser notre cœur pour permettre que jaillisse toujours davantage cette source vive que l’Esprit Saint a ouvert en nous…
Mais avouons-le, il n’est pas si facile de vivre cela. Car faire venir au jour, laisser vivre ce nouvel habit blanc fait de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience, mais aussi de pardon mutuel nous met souvent en porte à faux avec notre entourage. Pour les uns, nous serons des naïfs, pour d’autres de doux rêveurs qui ne sont pas réalistes, ou complètement inefficaces ou qui se font avoir…etc… Sans compter qu’en nous-mêmes, il y a toujours cette part sombre qui préfère, impatiente, ne pas entendre les appels ou user de la force par souci d’efficacité… C’est ici que nous pouvons entendre peut-être autrement les béatitudes qui ouvrent le grand discours de Jésus sur la montagne : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, les miséricordieux, les artisans de paix, les persécutés… » Jésus ne propose pas un nouveau programme moral, ni une nouvelle loi. Non, il invite les disciples que nous sommes devenus, à ne pas avoir peur de ces qualités dont nous sommes porteurs dès maintenant par sa grâce. Jésus nous encourage à découvrir tout le bonheur qu’il y a dès maintenant à mettre en œuvre la paix, la douceur, la miséricorde, la justice, l’humilité, dans la conviction qu’ils portent en germe la lumière et la vie qui n’auront pas de fin.
Notre vie monastique s’offre comme une école concrète dans laquelle jour à après jour, nous apprenons à revêtir par-dessus l’autre le vêtement blanc…pour que notre vie de baptisé prenne pleinement sa dimension. Mais comme toute image, l’image du vêtement a ses limites. Le risque pourrait être de se contenter des apparences. Non, St Benoit nous engage à une vraie attention intérieure : nous confier à l’œuvre de la grâce pour descendre toujours plus profondément en notre cœur, en acceptant de regarder et traverser ses parts sombres en nous qu’on préfèrerait spontanément ignorer. Pour laisser advenir la tendresse, la compassion, la bonté, la douceur, la patience et le pardon mutuel.
Ce matin, en confiant à l’intercession de Benoit notre persévérance, rendons grâce en cette eucharistie d’être associés à ce labeur de la vie chrétienne, qui fait de notre vie en la création présente la première étape du Royaume.