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HOMELIE
07 juilletannée 2023-2024
Année B - 14° dim du Temps Ordinaire - 7 juillet 2024
Ezékiel 2, 2-5 / ps 122
2 Corinthiens 12, 7-10
Marc 6, 1-6
Homélie du F. Basile
F & S, même si nous n’habitons pas Nazareth, c’est nous qui sommes aujourd’hui les auditeurs de Jésus, en pensant le connaître, comme de bons chrétiens. Peut-il encore nous surprendre ?
Aurons-nous la même réaction que les gens de Nazareth ? Ils étaient choqués, étonnés, dit st Marc ; à tout le moins déconcertés, jaloux peut-être. Bien sûr, Jésus avait été l’un des leurs ; ils connaissaient bien sa famille, ses frères, ses sœurs, ce qui veut dire sans doute ses cousins. D’où la question qu’ils se posent : « D’où cela lui vient-il ? cette sagesse, ces miracles ? » Puisse cette question être encore la nôtre aujourd’hui ? Elle revient tout au long de l’évangile de Marc : « Qui est-il celui-là ? » C’est la question essentielle dont la réponse ne nous est donnée qu’à la fin de l’évangile, lorsque Jésus est mort et que le centurion romain s’écrie : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ».
Cette réponse, nous croyons la connaître, parce qu’elle est dans nos catéchismes, parce que nous la récitons le dimanche dans la profession de foi, mais qu’est-ce que cela veut dire si nous n’avons pas vraiment accueilli le Christ dans notre vie ?
Celui qui a reconnu le Christ dans sa vie, celui-là est sur le chemin de la foi et il va trouver dans la lecture continue de l’Evangile une parole qui lui fera découvrir de plus en plus le mystère du Christ.
Le texte d’aujourd’hui nous parle de cet échec de Nazareth, et moi ce qui m’étonne, c’est l’étonnement de Jésus lui-même, devant leur manque de foi. Car là où il n’y a pas de foi, il n’y a pas de miracle possible. Manifestement, Jésus ne s’attendait pas à cette réaction, c’est ce qu’affirme Marc : « Il s‘étonna de leur manque de foi. » Nous pouvons être surpris que Jésus s’étonne : cela veut dire que pour lui, tout n’était pas écrit d’avance. Sa mission, il l’avait reçue du Père, et quand Luc nous dira que dans la synagogue de Nazareth, Jésus a ouvert le Livre et lu le passage d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi : Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres », là Jésus s’y retrouve tout à fait. Pourtant à Nazareth le message ne passe pas, les cœurs se ferment, ils ne veulent pas entendre et Jésus s’étonne : on pressent là déjà le mystère de la Croix, l’échec par excellence. Cet épisode préfigure aussi le sort des prophètes de tous les temps, affrontés à l’incroyance : c’est l’expérience d’Ezékiel, dans la 1° lecture, lorsqu’il s’adressait aux exilés de Babylone – ce sont des rebelles, lui dit le Seigneur - c’est aussi l’expérience de Paul lorsqu’il voit ses frères juifs rejeter la Bonne Nouvelle.
Je voudrais revenir sur cet échec de la mission, que Jésus lui-même a connu, Paul ensuite et tant d’autres, et qui touche certainement les prophètes et les missionnaires d’aujourd’hui, dans un contexte de plus en plus marqué par l’indifférence religieuse. Non pas revenir sur l’échec lui-même, mais sur ce mot que Paul utilise si souvent : la faiblesse et son opposé la force. Paul nous dit ce matin : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Est-ce de l’esbrouffe, une pirouette de mots, un paradoxe de plus ? Je crois au contraire que c’est un secret de la mission, et peut-être de notre vie humaine tout court lorsque nous sommes secoués par l’épreuve ou inquiets de l’avenir de notre pays.
Paul avait du tempérament, nous le savons, c’était un homme fort : premier terrassement, sa rencontre du Christ sur le chemin de Damas et le voici aveugle, sans force, obligé de se laisser conduire. Mais il va traverser d’autres épreuves, connaître d’autres moments angoissants, stressants. Cette écharde dans la chair, dont il parle aujourd’hui, on n’a jamais su à quoi il faisait allusion, mais on sent que c’est très personnel ; il supplie le Seigneur de l’en délivrer, il n’est pas exaucé ; c’est alors qu’il reçoit cette parole unique qu’il nous laisse aujourd’hui : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Il y a là toute une théologie de la grâce et de la croix que nos frères protestants ont su mettre en valeur. Car c’est le renversement de tout triomphalisme, de toute prétention d’avoir raison, de tout orgueil spirituel. Ce n’est pas une parole magique, c’est un chemin spirituel de foi, d’humilité, de confiance qui conduit à l’action de grâces, parce que c’est là que Dieu se manifeste, là où ne l’attendait pas, non pas dans la réussite quand tout va bien mais dans la faiblesse, dans l’échec même. « Ma grâce te suffit. »
Je voudrais relier cette parole de Paul à une autre parole sur la grâce, que nous connaissons bien : « Tout est grâce ». Nous savons que Thérèse de Lisieux l’a dite juste avant de mourir, mais c’est l’écrivain Georges Bernanos qui la cite tout à la fin de son livre, le « Journal d’un curé de campagne », un livre qui peut nous parler aujourd’hui où l’indifférence est grande autour de nous.
Ce jeune curé de campagne, miné par la maladie, termine sa vie sur un échec, il meurt privé des sacrements et du pardon de Dieu, mais son ami, un ancien prêtre, est là qui nous rapporte ses dernières paroles : « Qu’est-ce que cela fait ? Tout est grâce. » Voilà comment Dieu rejoint les siens au plus noir de l’épreuve, quand tout semble perdu. Cela devrait nous donner une force que rien ne peut abattre. « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Oui, tout est grâce et je vous invite à retrouver dans votre vie la rencontre du Christ, le passage de Dieu, pour que dans cette eucharistie, nous puissions vraiment rendre grâce à notre Père par le Christ et dans l’Esprit.
Frère Basile