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HOMELIE

30 avril
année 2022-2023

année A - 4e dimanche TP, 30 avril2023
Ac 2, 14.36-41 ; 1 P 2, 20-25 ; Jn 10, 1-10
Homélie du F. Charles

« Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance »
Nous retrouvons en ce dimanche l’image familière des brebis et du berger. Une image que la Bible décline de mille et une manière pour dire l’amour plein d’attention et de douceur du Seigneur pour son peuple, et pour chacun en particulier. Mais dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus reprend cette figure dans une perspective assez inhabituelle. Nous sommes loin de l’histoire de la brebis égarée que le berger ramène sur ses épaules ; aujourd’hui toutes les brebis se tiennent là, bien tranquilles, dans l’enclos. Que leur manque-t-il donc ? Il leur manque, précisément, que le berger ouvre la porte, les fasse sortir, les mène au large.
Mais de quel enclos faudrait-il donc sortir ? S. Jean précise que « Jésus employa cette image pour s’adresser aux pharisiens ». L’enclos donc, c’est peut-être une certaine conception des lois, de la foi et de la vie, une certaine conception de l’Église qui, loin d’ouvrir au monde, parque, enferme, resserre. Nous cherchons tous, plus ou moins, des murs qui nous protègent de l’angoisse de vivre dans un monde qui semble trop grand, des murs qui nous épargnent la confrontation à la complexité du réel, à ce qui échappe à notre maîtrise. Alors nous construisons des enclos à notre mesure, enclos intérieurs d’abord, enclos idéologiques, spirituels, moraux, que nous partageons avec quelques autres dans un entre-soi étroit, fermé.
Mais ce qui semblait d’abord un espace sûr, rassurant, est un lieu, nous dit Jésus, où « voleurs » et « bandits » entrent tôt ou tard pour « voler, égorger, faire périr ». Un monde sans porte est un monde dangereux, qu’il s’agisse du monde de notre cœur, de nos familles, de nos communautés, de l’Église. Les brebis, certes, ont besoin d’un abri, de lieux sûrs et familiers, mais elles ne doivent pas s’y enfermer : une porte doit leur permettre, comme le dit Jésus, « d’entrer » et « sortir ».
Alors le Seigneur nous présente aujourd’hui ce que le pape François appelle une « Église en sortie », il nous propose de sortir avec des enclos de notre cœur, d’entendre sa voix pour le suivre sur des chemins que nous ne connaissons pas. Cette « Église en sortie », ce « cœur en sortie », n’est pas une Église en débandade. Il ne s’agit pas de devenir des brebis errantes, sans berger, mais d’être avec le Seigneur Jésus, d’obéir aux exigences de la liberté de son amour, de découvrir que la foi n’est pas un enclos de certitudes et de devoirs moraux, mais une marche où tant de choses sont à découvrir et à inventer au jour le jour. Il s’agit d’être des vivants, ce qui n’est jamais une solution de facilité, car le chemin connaît les ravins comme les eaux tranquilles nous a dit le psaume (Ps 22). Mais toujours le Seigneur est là : il nous guide et nous rassure, même si c’est en secret. Penser la vie chrétienne, non comme un enclos de contention intellectuelle et morale, mais comme une marche, c’est en faire une humble histoire, qui progresse pas à pas, qui connaît aussi les échecs, les chutes, les doutes, et pourtant continue d’avancer, non pas dans une perfection de toute façon hors de portée, mais dans la foi, dans l’espérance, dans l’amour.
Et cela nous libère de la logique de l’enclos qui repose sur une alternative sans histoire ni espérance : « y être » ou « n’y être pas ». Logique clivante où s’enferment ceux qui se rengorgent d’habiter l’enclos et de s’en faire les gardiens, mais qui risque surtout de décourager les humbles, les pauvres, les pécheurs que le Seigneur appelle les premiers, et qui se savent en dehors de cet enclos de perfection. C’est là pourtant, au-dehors, qu’ils peuvent rejoindre le troupeau « en sortie » de ceux qui consentent à être, humblement, en chemin.
Demandons aujourd’hui au Seigneur la grâce de quitter les enclos de notre cœur, d’entendre sa voix qui nous met en marche. Demandons-lui encore d’être pour nos frères et sœurs en humanité comme un écho de cette voix, d’être pour eux une porte plutôt qu’un mur, une porte qui les aide à s’ouvrir au-delà de soi pour se donner et se recevoir dans l’amour.

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