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HOMELIE

05 mars
année 2022-2023

Année A - Carême 2° Dimanche - 05 mars 2023 Genèse 12,1-4 ; 2 Tim. 1,8-10 ; Matth. 17,1-9 Homélie du F.Guillaume

Frères et sœurs, Le Carême, pour nous chrétiens spontanément, c’est d’abord un temps : 40 jours entre le mercredi des Cendres et le dimanche de Pâques, en référence aux 40 jours et aux 40 nuits que Jésus a passés au désert, ou les 40 années du peuple hébreu entre sa sortie d’Egypte et son entrée en Terre Promise. Un temps, tout comme le Ramadan pour les musulmans qui dure un mois lunaire pour le jeûne, la prière et le partage, ou bien encore la Grande Retraite de Méditation et de purification pour les bouddhistes tibétains : 3 ans, 3 mois, 3 jours.
Mais le Carême, ce sont aussi des lieux, des espaces, des mouvements, des déplacements. Dimanche dernier, la liturgie nous invitait à partir au désert avec Jésus. Le désert, lieu symbolique par excellence de la rencontre de Dieu, mais aussi de celle des Démons. Dimanche prochain, nous irons en Samarie, à Sycar, près du puits de Jacob, et les dimanches suivants à Jérusalem, du côté de la piscine de Siloé avec l’aveugle-né, à Béthanie dans la maison de Lazare et de ses sœurs et à Jérusalem encore pour les Rameaux et la Semaine Sainte. Aujourd’hui, nous méditons avec la 1ère lecture, le départ d’Abraham depuis son pays d’origine en Chaldée, pour un pays que le Seigneur lui promet de lui indiquer. Et Abraham part, sans savoir où il va, comme le dira l’épitre aux Hébreux, mais il part, confiant dans la Parole de Dieu et obéissant dans la foi. C’est l’itinéraire de toute vie spirituelle, chrétienne ou non, religieuse ou laïque, nous le savons bien : lâcher-prise, abandon et confiance, mais en retour bénédiction et fécondité imprévisibles, non-programmables.

Et l’Evangile, lui, nous fait monter, à l’écart, sur une haute montagne, avec Pierre, Jacques et Jean, qui accompagnent Jésus : c’est l’épisode de la Transfiguration. Chaque année, la liturgie nous demande de nous y arrêter dans notre marche vers Pâques ; et nous écoutons ce récit dans chacune de ses versions évangéliques : Matthieu, Marc et Luc. Cette année Matthieu. Nous pouvons le diviser en deux parties distinctes :
- une première où domine l’expérience visuelle. Jésus est transformé aux yeux des disciples éblouis. Transformé, littéralement « métamorphosé », en grec. Et en même temps, c’est l’apparition de Moïse et d’Elie. Le pauvre Pierre ne sait plus très bien comment se situer face ou à côté d’eux : il bafouille, il fait une proposition concrète qui n’est pas retenue : personne ne semble l’écouter ou faire attention à lui. St Luc ira jusqu’à dire qu’il ne savait pas ce qu’il disait.
- et puis il y a une seconde scène qui se superpose à la 1ère, où dominent la voix et l’audition d’une parole sortie de la nuée lumineuse. Parole mystérieuse du Père des Cieux, en écho et presque identique à celle du Baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain : « celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tous mon amour ». Avec l’ajout propre à la Transfiguration : « écoutez-le ! ». Au baptême, la parole s’adressait à Jésus lui-même, comme l’envoyé, ici elle s’adresse aux disciples et plus largement à toute la communauté chrétienne, désignant Jésus comme le Prophète qu’il faut écouter.

Après cette vision et cette audition extraordinaires, qui ont plongé les disciples dans la frayeur et la prosternation à terre, c’est le retour à l’ordinaire, la voix familière de Jésus, son contact et sa proximité. Ils peuvent lever les yeux à nouveau : Jésus est là, tel qu’ils le connaissaient et il est seul. Ils sont rassurés : ouf ! Mais que s’est-il donc passé ? Silence, ordonne Jésus : pas un mot avant que le Fils de l’Homme ne soit ressuscité d’entre les morts.

Ce texte est riche à bien des égards : on peut en faire une longue lectio divina, avec tous les renvois à l’Ancien Testament qu’il autorise : on peut en faire une contemplation des relations de Jésus avec son Père et avec l’humanité, une méditation du rôle et des réactions de chacun des personnages. Mais en quoi peut-il nous rejoindre, nous aussi et nous modifier, dans ce temps de conversion qu’est le Carême. Je crois qu’il vise à nous déloger de certaines de nos représentations sur la personne même de Jésus. Représentations trop immédiates ou figées, trop utilitaires peut-être aussi, si nous attendons quelque chose de lui, mais quoi. Même si nous savons bien que les Evangiles sont de tardives compositions littéraires mises par écrit après l’événement pascal de la mort et de la Résurrection de Jésus, nous pouvons penser et croire que cet épisode a réellement eu lieu durant sa vie terrestre et qu’il se situe à un moment-clé des évangiles. Après la confession de foi de Pierre à Césarée, après la 1ère annonce de la Passion, après les paroles sur la condition des disciples et l’annonce du retour prochain du Seigneur. Pour bien faire, mais cela serait trop long, la liturgie devrait nous faire entendre l’ensemble de ces passages. On ne peut isoler la Transfiguration de la réalité de la Passion et de la Résurrection du Christ, ni de son retour dans la Gloire. La Transfiguration nous révèle le sens même du mystère pascal, comme anticipation de ce que nous célèbrerons durant les Jours de la Semaine Sainte. Méditée en ce 2ème dimanche de Carême elle vient stimuler notre élan, relancer notre foi et notre espérance, si jamais nous étions guettés par le découragement ou le doute.
Jésus n’est pas seulement le maître qui parle bien et enseigne les foules, il n’est pas seulement le compagnon de route qui fait le bien en guérissant les malades : il est le Témoin de la Gloire de Dieu sur terre, une Gloire qui resplendira sur la Croix, se manifestera à la Résurrection et se révèlera définitivement à son Retour. En fait, on peut comprendre le désir de Pierre de vouloir fixer ce moment merveilleux à l’aide de tentes, car cet échange partagé avec Jésus en Gloire, avec Moïse et Elie, c’est ce qui nous est permis d’espérer de vivre aux derniers temps. Mais les derniers temps ne sont pas encore arrivés : nous nous tenons dans l’entre-deux du déjà-là et du pas-encore. Pourtant Pâques a levé l’interdiction du silence faite aux disciples. Nous avons, à leur suite et à notre tour, à proclamer à temps et à contretemps que Jésus est le Seigneur, qu’il est le Fils Bien-Aimé du Père, en qui tous les croyants sont fils et frères. Nous avons à dire à tous ceux qui sont prosternés dans leurs peurs de vivre ou leurs fatigues d’être eux-mêmes : « relevez-vous et n’ayez pas peur ! ». C’est cela, je crois, le profond message de la Transfiguration, et pour terminer je laisserai la parole à un poète :
« Voyez, les temps sont accomplis,
Sur quels chemins d’incandescence
Et Dieu vous convoque à l’oubli
Entendrez-vous le Bien-Aimé
De ce qui fut vos servitudes.
Vous parlant depuis la Nuée ?
Qu’il vous prépare à ses souffrances !
Suivez Jésus Transfiguré.
Demain, il sera crucifié
En signature d’alliance

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