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HOMELIE

16 octobre
année 2021-2022

Année C - 29e dimanche TO- 16 octobre 2022
— Ex 17,8-13 ; 2 Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8
Homélie du F. Charles Andreu

La parabole de ce dimanche s’ouvre sur un tableau bien sombre. Oui, sombre est le destin de cette veuve exposée à une double précarité, victime d’une double injustice.
Précarité affective de celle qui a perdu son mari ; précarité sociale encore, car être veuve, à l’époque, c’est se trouver bientôt confrontée à de grandes difficultés de subsistance ; injustice qu’elle subit d’un « adversaire », injustice encore qu’elle subit de la part de ce juge indifférent.
Or à travers la figure de cette veuve, le Seigneur nous lance un appel pour les jours sombres de souffrance, de précarité ou d’injustice : « Ne te décourage pas — prends le temps de la prière, persévère dans la prière ».
Mais pourquoi prier ? Pour donner au Seigneur nos solutions ? pour en réclamer, quand nous n’en avons pas ? N’allons pas trop vite. Prier c’est d’abord présenter au Seigneur notre souffrance, telle qu’elle est, et même la révolte qu’elle peut susciter en nous. Et ce n’est pas si facile, car devant Dieu nous avons l’art d’endimancher nos états d’âmes, comme s’il était interdit d’en avoir. Inhibition étonnante : Jésus crucifié a osé crier « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », et nous trouverions inconvenant d’en dire le quart. Pourquoi ? Réflexe de déni peut-être, quand par honte, ou pour essayer de s’en convaincre, on dit « tout va bien » alors que ce n’est pas vrai ; manque de foi et de confiance souvent, car pour dire sa peine, sa révolte, il faut croire qu’elles seront accueillies par un cœur aimant, capable de comprendre. L’ouverture simple du cœur dans la prière ne fait pourtant pas tout. La première lecture nous l’a bien montré, à travers les deux figures de Moïse et de Josué qui, peut-être, nous représentent chacune, comme si nous devions être à la fois Moïse qui prie à l’écart, et Josué qui se tient au cœur de la mêlée. Car Moïse prie, certes, mais cela ne servirait à rien si Josué n’était dans la plaine à combattre. De même, la prière ne doit pas nous faire déserter le combat à mener, négliger les moyens humains, ce qu’il est encore possible de faire quand tout semble impossible. Ce serait confondre la foi en Dieu et les illusions d’une pensée magique qui démissionne de notre humanité, du « dur métier de vivre » (Rouault).
Par ailleurs, en tout cela, nous ne devons pas rester isolés : Josué ne combat pas seul, mais avec les hommes qu’il a pris avec lui ; et même dans la prière, Moïse ne peut persévérer longtemps sans l’aide de Hour et d’Aaron, sans ceux qui aident à tenir, à ne pas « baisser les bras », à ne pas se décourager. Remarquez que ceux qui aident Josué ou Moïse sont au moins deux : pas une seule personne, mais plusieurs, c’est-à-dire une fraternité ouverte, large et différenciée qui seule peut vraiment soutenir. Dans nos détresses les plus sombres, l’ouverture à Dieu dans la prière doit aller avec l’humble consentement à être aidé par des frères.
L’évangile nous pose enfin une autre question : à qui pensons-nous nous adresser dans la prière ? À un Dieu semblable au juge de la parabole : bouché, indifférent, égoïste ? Sans aller jusque-là, un doute peut nous traverser, l’idée que, comme la veuve devant son juge, nous devrions arracher à Dieu, à force d’insistance, des grâces qu’il ne donne qu’avec parcimonie. Alors nous faisons de la prière un épuisant exercice d’endurance où se multiplient pratiques, dévotions et paroles censées mériter ce que Dieu ne voudrait donner qu’à ce prix. Mais Jésus le dit clairement : Dieu ne nous fait pas languir ainsi. Quand notre prière est portée par cette foi, elle devient simple et pure, elle tient en quelques mots.
Est-ce à dire que tout s’aplanira devant nous ? Qu’en quelques prières, tout va se résoudre ? Certes non, et c’est précisément ce qui requiert notre foi. La foi en la prière, ce n’est pas de croire qu’à force de harceler Dieu il fera tout ce que nous voulons, c’est croire, sans le voir encore, que dès le premier instant de notre cri, le Seigneur a ouvert à travers la souffrance qui nous frappe un chemin pascal, le chemin d’une vie possible ; chemin qui ne se mènera pas sans que nous le choisissions ; chemin peut-être long et difficile ; chemin d’humanité où Jésus nous conduit, pas à pas, où il nous apprend sa paix, sa joie.

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