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HOMELIE

27 mars
année 2021-2022

OBLATION REGULIERE DE F. GUY EYSSERIC - 4° Dim de Carême - 27.03.2022
(Jos 5, 10-12 ; 2 Co 5, 17-21; Lc 15, 1-3, 11-32)
Homélie du Père Abbé Luc

Frère Guy, Au début de cette eucharistie, alors tu feras dans quelques instants ton oblation régulière, nous avons demandé pour toi au Seigneur que la grâce de ton baptême s’épanouisse dans toute sa plénitude, à l’école de St Benoit… Depuis que le Christ a merveilleusement réconcilié le genre humain avec son Père, tel est notre but, quel que soit nos vocations : donner à notre existence de fils et fille de Dieu toute sa plénitude. Quel que soit notre âge, l’appel demeure : devenir davantage des fils et filles de notre Père des Cieux, et inséparablement devenir davantage des frères et sœurs en Christ…
L’évangile que nous avons entendu, se présente comme une magnifique parabole de ce chemin de croissance filiale et fraternelle sous le regard de tendresse de notre Père des Cieux. Sous le regard de notre Père des Cieux, devenir fils, devenir frère.
Sous le regard de notre Père des Cieux. Au cœur de cette parabole, le père est le principal protagoniste. De bout en bout, il est celui qui donne : il partage ses biens au fils qui veut partir, il l’accueille à son retour dans un débordement de tendresse, pour lui redonner sa dignité de fils…Le père donne aussi au fils resté, en lui partageant tout ce qu’il est et tout ce qu’il a… Le père est aussi celui qui espère toujours. Sa longue attente patiente manifeste la profondeur de son amour. De même, il espère en son fils resté. Il sort pour le supplier afin qu’il entre dans sa joie et celle de toute la maison. F. Guy, en choisissant la vie monastique, tu as reconnu cet amour du Père, comme un amour qui te précède et qui désire te faire vivre. St Benoit présente sa règle comme « l’instruction d’un père qui nous aime… qui daigne nous compter au nombre de ses fils » (Prol 1, 5). Ensemble, nous voilà placés sous cette lumière d’un père qui nous attend patiemment (Prol 37) parce qu’il est bon (RB 7, 37), et qu’il désire nous ouvrir peu à peu à la vie de son amour, « cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte » (RB 7, 67).
Devenir fils... Le fils qui part a peut-être pensé que devenir pleinement soi-même consistait à couper tout lien de dépendance pour s’assumer sans rien devoir à personne. Mais cette voie menée dans une vie de plaisir s’avère être une impasse. Et au cœur de sa vie de misère, ses yeux s’ouvrent. Dans sa déchéance, il prend conscience de sa dignité perdue de fils, réduit qu’il est à être moins bien nourri que les ouvriers de son père. Il prend le chemin du retour vers son père, n’estimant rien devoir demander, sinon le statut d’un ouvrier. Et il fait l’expérience qu’être fils ne se mérite pas. C’est un don gratuit, le don gratuit de l’amour surabondant d’un père qui l’attend. Le vêtement, la bague au doigt, les chaussures, et le festin lui redonnent sa dignité, fruit d’un amour qui n’a jamais fait défaut. Paradoxalement, le fils resté à la maison, et jaloux de son frère qui revient, se révèle lui aussi pas vraiment fils. Il regrette de n’avoir pas eu un chevreau pour festoyer avec ses amis, mais il n’a pas vu que « tout ce qui était à son Père était à lui ». Il a vécu à côté de son père, mais sans accueillir vraiment sa vie partagée. Il n’a pas encore pris toute la mesure de sa dignité de fils. F. Guy, cette parabole nous fait pressentir combien devenir fils est un chemin. St Benoit invite le moine, à écouter, et à revenir par son obéissance laborieuse vers celui dont il s’est éloigné par une désobéissance paresseuse. Il nous laisse entendre que nous sommes tous des fils partis, qui se sont éloignés de leur père. En nous, nous portons « les marques de l’errance » pour reprendre les mots d’une hymne. Laissés à nous-mêmes, nous sommes souvent enclins à prendre des chemins de facilité. Comme le fils resté, nous aussi sommes capable d’obéir en apparence, mais sans vraiment entrer dans l’intimité de notre père, dans l’intelligence de son vouloir. Devenir fils à la suite de St Benoit, par le chemin de l’obéissance et de la conversion, est d’abord un mouvement de confiance et d’abandon à l’amour de notre Père qui nous aime. C’est aussi prendre tous les moyens qui nous sont offerts pour mieux connaitre et aimer notre Père des Cieux à travers notre application dans la liturgie, préférée entre toutes les activités, mais aussi travers la lectio, cette lente recherche d’une connaissance plus vraie, plus aimante de notre Dieu. Ainsi peu à peu accueillir notre être filial, devenir fils…
Devenir frère… Le fils parti ne s’est pas soucié de son frère resté. Ce n’est qu’à son retour qu’il peut mesurer à travers son opposition qu’il a blessé son frère ainé. Et le frère resté, qui ne comprend pas l’amour débordant du père, se ferme à son frère cadet qu’il réduit à n’être qu’un jouisseur dispendieux. Les deux frères se sont manqués. Ils ne pourront se reconnaitre que dans l’amour du Père accueille de nouveau en profondeur par chacun d’eux. La vie monastique, f. Guy, voudrait nous apprendre à ne pas nous manquer, à nous reconnaitre vraiment comme des frères, parce que fils d’un même Père des cieux. Souvent, nous sommes aveugles, et nous nous arrêtons à ce que l’un reçoit et l’autre non, à ce que l’un fait et que je ne peux faire... La jalousie, l’envie, les indélicatesses, les manques d’attention nous donnent la mesure du chantier que représente la vie fraternelle. Nous n’avons pas fini de progresser. St Benoit nous invite à entrer dans un amour fraternel fait de respect et de bienveillance lorsqu’il nous exhorte à nous prévenir d’honneur mutuels, mais aussi à supporter nos infirmités morales et physiques, c’est-à-dire en acceptant de ne pas tout comprendre de l’autre et à le porter. Il nous entraine même plus loin lorsqu’il nous demande de nous obéir mutuellement à l’envi (RB 72)….
F. Guy avec toi ce matin nous rendons grâce d’avoir été appelés à vivre notre baptême dans la vie monastique et, à cette école, d’apprendre à devenir sous le regard de notre Père des Cieux à devenir des fils et des frères. Nous le prions qu’Il nous donne son Esprit et qu’Il nous conduise tous ensemble à la vie éternelle.

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