Textes spirituels

Règle de saint Benoît

Commentaires sur
la Règle


Homélies

Méditations

Références bibliographiques



Formations, stages


HOMELIE

06 mars
année 2021-2022

Année C - 1er dimanche Carême (C) (06/03/2022)
(Dt 26, 4-10a – Ps 90 – Rm 10, 8-13 – Lc 4, 1-13)
Homélie du F. Jean -Louis

Frères et sœurs, - Avec le Mercredi des Cendres, ce premier dimanche de Carême constitue une première étape de notre montée vers Pâques. Nous venons d’entendre le récit des tentations du Christ au désert. Cette année, il s’agit du récit de l’Évangile selon saint Luc. Nous y voyons que la place de l’Esprit Saint est essentielle. Dans les deux premiers versets, il nous est cité deux fois : « Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain » et « dans l’Esprit Saint, il fut conduit à travers le désert. » Au baptême, le Christ a reçu en effet l’Esprit Saint et il se laisse conduire par lui à travers le désert où il sera tenté.
Jésus jeûne et a faim. Précision brève et simple mais qui nous montre toute l’humanité, la pleine humanité du Christ. Dieu, en Jésus Christ, a fait l’expérience humaine de la faim. Quand on y réfléchit, il y a de quoi avoir le vertige : Dieu a eu faim. Vient alors le tentateur qui propose à Jésus, si j’ose dire, de mettre fin à sa faim, mais de façon subtile : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne » : il s’agit pour Jésus de prouver, peut-être de se prouver, de façon indiscutable, quasi scientifique, qu’il est le Fils de Dieu, qu’il est Dieu, par un acte de puissance. Le diable utilise la faim bien réelle du Christ pour l’amener à se poser en Fils de Dieu par un miracle. Fuir une fragilité pour affirmer sa puissance. Quelle belle tentation ! N’est-ce pas souvent une tentation dans notre monde qui fuit la fragilité et valorise tant la puissance, la force ? Le Christ refuse en citant la Parole de Dieu : « L’homme ne vit pas seulement de pain »il en cite une partie mais tout connaisseur de la Bible en sait la suite « mais de toute Parole sortant de la bouche de Dieu. »
Autre tentation, celle du pouvoir sur tous les royaumes. Le tentateur part d’un mensonge, il se présente comme le maître, le propriétaire de tous les royaumes de la terre alors que la Bible a bien montré que c’est Dieu qui est le créateur et le maître, le roi de la création. Le diable invite alors le Christ à se prosterner devant lui pour recevoir de lui la propriété des royaumes et donc il s’agit pour le Christ de reconnaître que les royaumes de la terre sont sa possession à lui, le diable. Notons que ce dernier promet de donner le pouvoir et la gloire des royaumes. Il ne propose pas à Jésus d’être serviteur ni sauveur des peuples. Il ne fonctionne que dans la catégorie du pouvoir, de la gloire. La suite de l’évangile montrera que la royauté du Christ sur la terre passera pour le Christ par la croix. Pas de gloire sans la croix. Tout le contraire de ce que propose le démon, tout le contraire de ce à quoi nous aspirons spontanément. Enfin, la troisième tentation, Jérusalem, le Temple. C’est que l’évangile de Luc est bâti sur la montée du Christ vers Jérusalem, lieu du sacrifice final, de la mort et de la résurrection. Et là, la tentation est à nouveau très subtile. Car le diable utilise la Parole de Dieu pour tenter, ici, le psaume 90 qui a été chanté après la première lecture. Apparemment, cette tentation n’en est pas une. Il s’agit de faire confiance à la parole du Seigneur, au fait qu’il ordonnera à ses anges de protéger son Fils. Mais la Christ a percé la ruse. La confiance n’a pas besoin de preuves. Si Dieu a promis sa protection, nul n’est besoin de vérifier qu’il respectera sa parole.
Frères et sœurs, que peuvent nous dire aujourd’hui les lectures de ce jour ? Parmi les nombreuses réponses qui peuvent être apportées, j’en relèverai quelques-unes. Et d’abord, c’est peut-être évident mais est-ce si évident pour nous ? C’est que la tentation n’est pas le péché. Être tenté, ce n’est pas encore avoir péché. Nous croyons de foi que le Christ, vrai Dieu et vrai homme, est semblable à nous en toutes choses excepté le péché, et pourtant, il a été tenté… Dieu, en Jésus Christ, s’est abaissé jusqu’à accepter ces épreuves de la tentation comme chacun de nous. Mais il n’a pas cédé, il n’a pas péché. Ne nous décourageons donc jamais devant les tentations, ne considérons jamais que nous avons péché parce que nous avons éprouvé cette expérience douloureuse ou humiliante de la tentation. Ce serait oublier la victoire du Christ sur le mal, sur le diable. Ensuite, dans deux de ces trois tentations, la première et la troisième, il y a plus ou moins la tentation d’affirmer, de prouver sa filiation au Père par un acte de puissance : transformer des pierres en pains, se jeter du haut du Temple pour que le Père intervienne miraculeusement. Si le Christ est Fils de Dieu, est-ce qu’il le croit lui-même ? Qu’il montre sa puissance. Qu’il le prouve.
La seconde tentation, elle, vise à détourner complètement le Christ de son Père en l’amenant à se prosterner devant le diable pour acquérir une puissance dont le diable, en fait, ne dispose pas, celle de la gloire des royaumes terrestres. Nous voyons ainsi que ces trois tentations tournent autour du pouvoir, de la puissance. Le diable fait miroiter à Jésus l’intérêt de la gloire, mais d’une gloire terrestre. N’est-ce pas cela que dénonce le pape en parlant de mondanité spirituelle, du désir effréné de possession ? N’est-ce pas de cela que nous rêvons en regrettant la fragilité actuelle de notre Eglise ? N’est-ce pas cela qu’il y a derrière notre désir de voir se réaliser des miracles, des actes extraordinaires pour nous prouver et prouver aux incroyants que Dieu existe vraiment ? N’est-ce pas cela qui se trouve derrière notre conception de la foi comme d’un paratonnerre devant nous éviter tout problème, toute épreuve ? Est-ce que vraiment le bon, le vrai chrétien est celui à qui il n’arrive rien de mauvais ? Mais alors, le Christ est-il un bon chrétien ? La vie du Christ nous montre en fait que la gloire passe par le chemin de la croix. C’est peut-être le refus de cette vérité qui fait se détourner nombre de personnes de la foi chrétienne. La première lecture nous rappelle que lorsque le juif présente les prémices de ses récoltes à Dieu, il doit se rappeler qu’il lui doit tout, que dans toutes les situations de détresse qu’il a vécues, c’est Dieu qui est intervenu, non pas pour lui éviter ces situations mais pour l’en libérer. Et Paul, dans la seconde lecture, nous rappelle l’importance de la Parole de Dieu. Proclamer sa foi nous sauve, invoquer le Seigneur également. Il ne s’agit pas d’affirmer notre puissance mais de compter sur Dieu, quoiqu’il arrive. Si le diable tente le Christ, c’est pour l’amener à désirer manifester sa puissance, sa force, ou désirer acquérir une gloire terrestre. Si le diable se retire jusqu’au moment fixé, c’est que, lors de la Passion, les prêtres diront au Christ : « qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! » Tentation proche de celle du diable qui invitait Jésus à faire preuve de sa puissance s’il était le Fils de Dieu. Le Christ ne cèdera pas à cette dernière tentation. Il acceptera la mort pour nous libérer de la mort.
Frères et sœurs, voici un programme offert pour ce carême : Tout ramener au Père, ne compter que sur lui et son action par le Fils et l’Esprit Saint. L’histoire nous rappelle que Dieu est intervenu pour sauver l’humanité, qu’il intervient encore. Que son Salut n’est pas que passé mais qu’il est actuel. Et ce n’est pas pour nous faire manifester notre supposée puissance mais pour accepter nos limites et apprendre à compter sur lui seul. C’est aussi ce que nous dit la Croix du fils prodigue derrière l’autel. Il quitte son père avec beaucoup d’argent qu’il dépense. Il est dans la richesse, la gloire terrestre puis, vient la famine, la misère. Il accepte sa pauvreté et c’est alors qu’il se lève pour retourner vers son père et y trouver son salut. Alors, le bonheur est au bout du chemin et non pas le doute. Alors va poindre la lumière de Pâques, la lumière de la Résurrection. Vous me direz que ce n’est pas très original mais le carême est là pour nous rappeler des attitudes, des éléments de la foi qui ne sont pas extraordinaires mais plutôt bien ordinaires et que nous avons tendance à oublier. Demandons à l’Esprit Saint durant ce carême, de faire de nous des hommes et des femmes conscients de leurs fragilités mais comptant envers et contre tout sur Dieu non pas pour être forts mais pour lui être unis envers et contre tout. Soyons en cela de véritables disciples du Christ. Alors, le bonheur est au bout du chemin et non pas le doute sur la fidélité de notre Dieu. Alors va poindre la lumière de Pâques, la lumière de la Résurrection. AMEN

Retour à la sélection...