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HOMELIE

24 décembre
année 2020-2021

NOEL 2020 - Messe de Minuit -
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie du Père Abbé Luc

Frères et sœurs, Depuis quelques semaines, nous lisons au réfectoire un livre assez passionnant sur De Gaulle. Deux chapitres ont ces titres évocateurs « du libérateur au sauveur » et « le nouveau Messie », titres qui ne sont pas sans résonance avec les textes entendus en cette nuit. L’auteur n’hésite pas à utiliser ce vocabulaire religieux pour désigner aussi bien les prétentions d’un homme à redresser la France, jusqu’à identifier son sort à celui de l’Etat, que les projections idéalisées portées sur lui par le peuple français durant la seconde guerre mondiale et après. Il est intéressant de noter qu’à ce moment critique de notre histoire où tous avaient été humiliés par la défaite subie en 1940, une forte attente s’est manifestée d’avoir un sauveur, un chef qui rassemble, et derrière lequel on puisse marcher. Les paroles du prophète Isaïe peuvent nous donner à entendre en creux cette même espérance. Le prophète annonce au peuple juif éprouvé et humilié par ses ennemis, qu’une grande lumière va se lever à travers la naissance d’un enfant royal dont le pouvoir s’étendra afin que la paix soit sans fin… L’histoire des peuples se présente souvent comme une alternance de périodes d’humiliations qui suscitent une attente en un sauveur, en un homme qui va rétablir la paix, l’unité, la sécurité politique. En bonne part, De Gaulle a tenu ce rôle avec toutes les ambiguïtés du jeu politique, à ce moment précis de notre histoire.
N’est-ce pas dans un semblable contexte d’oppression, lié à l’occupation romaine, que va naitre Jésus et que peuvent être entendues les paroles de l’ange aux bergers : « Je vous annonce une bonne nouvelle, aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ (le Messie), le Seigneur ». Aussi lorsque Jésus annoncera le Royaume de Dieu, nous savons combien ses auditeurs auront du mal à sortir d’une vision messianique trop politique. La soif d’une justice et d’une paix immédiates était si forte que leurs espoirs ont été déçus. Celui en qui on pouvait vraisemblablement reconnaitre le Messie, le Sauveur d’Israël, n’a pas libéré le peuple de l’occupation romaine. Car Jésus est venu rassembler le peuple de Dieu, non en vue d’une libération politique ou matérielle, mais nous assure Paul en la seconde lecture, « pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien ». Jésus se révèle être un sauveur d’une autre nature. Il ne vient pas résoudre les difficultés politiques d’un moment, ni garantir la sécurité ou l’abondance, pas même la paix politique. Il vient renouveler son peuple de l’intérieur, en le libérant des entraves du mal et du péché, et en lui donnant une nouvelle capacité de faire le bien. Il ne vient pas nous sauver sans nous, mais il nous associe très étroitement à son règne de justice et de paix en nous rendant pleinement acteurs. Telle est la grâce d’une vie nouvelle dans le bien, la justice et l’amour que Jésus a proposé et que les premiers chrétiens ont expérimentée. Une vie nouvelle fondée sur leur foi en Jésus le Messie, mort et ressuscité pour nous, et vivifiée par les eaux du baptême et le repas eucharistique. Ainsi à travers la vie de l’Eglise, à travers les sacrements, cette grâce de vie nouvelle s’est transmise de générations en générations, jusqu’à nous, appelés nous aussi à devenir d’ardents artisans de son Royaume.
En cette fête de Noël, apparait dans toute sa profondeur ce mystère de grâce à l’œuvre. Nous contemplons combien est grand l’engagement de Dieu à notre égard : pour faire de nous des hommes et des femmes nouveaux, notre Dieu invisible s’est rendu visible, en notre chair il a assumé notre condition finie et fragile jusqu’à la mort. Et nous rendons grâce pour « l’échange merveilleux où nous sommes régénérés ». Car, comme nous le chanterons dans quelques instants : « lorsque le Fils de Dieu prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse : il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels ».
Faire mémoire ce soir de la venue du Messie Sauveur, Dieu fait homme, c’est nous disposer à accueillir encore son salut. Dieu veut nous sauver aujourd’hui, éclairer les zones d’ombre de nos vies. Il veut nous fortifier en ces temps d’épreuve liés à l’épidémie, où nous nous sentons plus fragiles afin de nous rendre plus vivants et heureux dans l’amour et dans le don de nous-mêmes. Avec nous, incluons tous ceux qui peinent à trouver les chemins de la lumière et de la vie. Confions à l’Enfant de la Crèche tant de visages en souffrance qui attendent que se lève pour eux la lumière.

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