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HOMELIE

31 mars
année 2018-2019

Année C - 4° dimanche de Carême - 31 mars 2019
JOs 5 10-12; 1 Co 5 17-21; Luc 15 1-32;
Homélie du F.Hubert

Quand il commença [sa vie publique], Jésus, nous dit st Luc, était, à ce que l’on pensait, fils de Joseph, fils d’Adam, fils de Dieu. Jésus, fils de Dieu. Un homme avait deux fils… Un père et deux fils. Un père qui laisse ses fils décider de leur vie. Deux fils : celui qui est parti et revenu, perdu et retrouvé ; celui qui est toujours resté là, mais reste dehors, perdu ?

Nos regards s’arrêtent souvent sur le prodigue : pour une part, nous nous reconnaissons aisément en lui, et peut-être nous rassurons-nous en nous disant que le Père nous accueillera toujours… Béni soit Dieu si, faisant vraiment retour sur nous-mêmes, nous nous levons pour retourner vers lui et faisons l’expérience de son accueil sans mesure, au-delà de nos jugements sur nous-mêmes et sur nos actes.

Cependant, la parabole vise bien clairement en premier l’attitude du fils aîné : elle est une réponse aux pharisiens et aux scribes qui récriminaient contre Jésus : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Les trois paraboles, de la brebis perdue, de la pièce d’argent perdue et du fils perdu, sont racontées par Jésus à l’intention de ces pharisiens, satisfaits d’eux-mêmes, juges et murmurateurs. Elles proclament les choix du vrai Dieu. Ces choix sont accomplis par Jésus, son Fils unique. Or qu’a-t-il fait, ce Fils unique, le Fils aîné par excellence ? Il est venu au Jourdain se faire baptiser par Jean-Baptiste. Il a choisi de descendre dans les eaux de la mort, comme et avec les pécheurs, ses frères ; lui, l’Innocent, le Très Saint, il fait corps avec nous, pécheurs, pour faire de nous ses frères, et donc des fils. Son choix est de n’exclure aucun de nous. Loin de dire : « moi, je suis juste, eux sont pécheurs », il endosse notre péché pour nous donner sa justice. Ayant la condition de Dieu, il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. Ainsi, il devenu le premier-né d’une multitude de frères (Rm 8, 29), Et, dans ce choix même, il reçoit la parole du Père : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

A l’autre bout de l’évangile, au terme de sa vie, il reçoit le baiser de Judas : il ne repousse pas son disciple, il lui offre un vrai baiser d’amour et d’espérance, il l’appelle par son nom. Et il se fait compagnon de crucifixion de deux malfaiteurs, dont l’un reconnaîtra son innocence et recevra de lui l’ouverture immédiate du Paradis : Jésus retournera vers son Père avec ce premier frère arraché au malheur.

A l’inverse de Jésus, l’aîné de la parabole, jugeant indigne son frère cadet, se met en colère contre son père lui-même, à qui il reproche sa miséricorde. Ce faisant, il n’a plus ni père ni frère. Il refuse le festin, le repas de la convivialité, de l’alliance. Il reste dehors, seul. Il s’exclue lui-même. Il ne tiendrait qu’à lui de demeurer toujours frère de son cadet, et fils de son père. Mais précisément, il ne l’appelle pas « Père »… Les paroles du pharisien, dans une autre parabole que nous entendions hier, vont bien dans sa bouche : « Je ne suis pas comme les autres hommes, ou encore comme ce publicain »…. « pas comme mon frère cadet… » Aujourd’hui l’actualité nous jette, en plus, à la figure, que derrière une apparente justice, peuvent se cacher de graves dépravations… Son père est pourtant sorti vers lui, comme vers le cadet, pour le presser d’entrer. Dans son murmure et sa colère, ce fils – qui pourtant demeure toujours fils pour son père – ne trouve plus le chemin de la maison et la porte d’entrée. Perdu ? Le récit reste cependant en suspens : peut-être son cœur de pierre se laissera-t-il changer en cœur de chair ? Cette invitation retentit pour toujours à l’adresse de chacun de nous. « Il fallait festoyer et se réjouir, car ton frère était perdu et il est retrouvé »… Toi, n’es-tu pas perdu aussi, en ne reconnaissant pas de quel amour tu es aimé, en refusant d’entrer ?

Puisse l’eucharistie, qui – sous forme de symbole – n’est rien moins que le festin du Royaume, être reçue par nous, comme une communion d’amour avec tous les membres du Corps du Christ, nos frères et sœurs, proches et lointains, tous pécheurs rachetés et aimés, comme nous ! Nous ne pouvons être en communion avec Jésus, sans accueillir tous les membres de son Corps. Entrons dans la maison, faisons corps, n’excluons personne. En ces temps douloureux de l’Eglise, c’est peut-être particulièrement difficile et d’autant plus nécessaire. Qu’amour et vérité, justice et miséricorde, se rencontrent et nous guérissent ! Que notre célébration eucharistique nous donne de créer, garder, développer, du lien, de vivre dans l’Alliance, et non à notre profit, seuls contre tous.

Pharisien irréprochable, Paul a fait l’expérience, du don incommensurable de Dieu et de sa gratuité absolue. Irréprochable, il a compris qu’il était le premier à qui Dieu faisait miséricorde. Alors, avec insistance, il invite ses frères à se laisser réconcilier par Dieu : « au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. »

Frères et sœurs, fixons notre regard sur Jésus, pour apprendre comment vivre en fils et en frères, pour recevoir de lui son Esprit : son Corps et son Sang nous sont offerts pour cela.

Lui, le Fils unique, il a accepté de devenir avec nous le fils perdu. Au terme de sa Pâque, en sa résurrection, il a entendu la voix de son Père : « Mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé » ! Mais il n’est pas revenu seul : il est revenu avec la multitude de ses frères. - 31 mars 2019

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