Textes spirituels

Règle de saint Benoît

Commentaires sur
la Règle


Homélies

Méditations

Références bibliographiques



Formations, stages


HOMELIE

25 décembre
année 2018-2019

Année C - Noël 2007, Messe du Jour - 25 décembre 2018
Is 52 7-10; Héb 1 1-6; Jn 1-1-18
Homélie du F.Ghislain

Nous avons entendu cette nuit le récit de la naissance de Jésus, nous dirions aujourd’hui « en catastrophe » : dans un bourg surpeuplé par une affluence inhabituelle, et où on ne trouve, pour recevoir la mère et coucher l’enfant, qu’une étable contigüe à l’auberge déjà comble. Et voici que, ce matin, avec le début de l’épître aux Hébreux et le Prologue de saint Jean, nous sommes comme transportés au Ciel et nous entendons des paroles mystérieuses, majestueuses, on dirait presque somptueuses sur Dieu, sur la Parole qu’il profère et le Fils qu’il envoie, sur la session de celui-ci éternellement à la droite du Père après l’œuvre de purification des péchés. Qu’y a-t-il donc de commun entre cette très haute théologie et le fait divers de Bethléem? Et nous, qui avons entendu l’un et l’autre de ces textes, que pouvons nous donc en faire ?

La naissance de Jésus a sûrement été un événement très joyeux. Je pense à ce que disait le livre de l’Exode sur les femmes juives, qui sont tellement vigoureuses qu’elles n’ont pas besoin de sages-femmes pour accoucher. On voit d’ici Marie, rassurant Joseph préoccupé de ne pas trouver un endroit convenable : « Ne t’inquiète donc pas, c’est moi que cela regarde et je t’assure que cela se passera très bien ». Et, de fait, l’enfant naît, elle le voit pour la première fois, elle le caresse, elle l’embrasse, elle le lange ; quelque chose s’échange entre elle et lui, au travers des yeux peut-être encore fermés du tout petit. Une naissance bien réussie, une relation déjà forte et qui ne cessera pas. La puissance, la beauté, la douceur de la vie. Mais cette expérience belle s’inscrit en Marie sur le fond de la prophétie qu’elle a entendue quelques mois auparavant : ce nouveau-né dans la crèche, ce fils formé de son sang et de sa chair, est « Fils du Très-Haut, promis au trône de David, saint, et on l’appellera Fils de Dieu ». Et voici que des bergers du voisinage s’agglutinent à la porte pour voir l’enfant, car eux aussi ont entendu du Ciel un message inouï : ce nouveau-né est Sauveur, Messie, Seigneur.

Les textes de la Messe de Jour disent alors la même chose, mais cette fois-ci, en partant de Dieu et non pas des hommes. En Dieu aussi, il y a une naissance, celle-ci éternelle, et le Fils qui est sans cesse engendré est « reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de son être ». Entièrement distinct et en tout semblable, engendré et tourné vers Celui qui l’engendre. Un Esprit commun circule entre eux. Et il a plu à Dieu que cette naissance éternelle déborde en quelque sorte vers ce qui n’est pas encore : dans le Fils éternellement engendré sont créés les mondes et les temps, et le Fils vient en ceux-ci afin de les inclure dans sa relation au Père, dans la circulation de l’Esprit. Et il y vient intensément non à la surface ou en les surplombant, mais comme un homme, en homme : « Tu m’as formé un corps » dit Jésus à son père en entrant dans le monde, au témoignage de la lettre aux Hébreux.

Les évangiles de cette nuit et de ce matin : les deux faces de la même médaille. D’un côté, l’homme qui vient au monde, vraiment homme et plus que l’homme pourtant. De l’autre, le Dieu éternel et créateur qui, comme le dit saint Bernard, s’abrège en quelque sorte, et dont le Fils vient en ce monde. Dieu, vraiment Dieu et moins que Dieu pourtant. Dans les deux cas, le moteur, pourrait-on dire, est unique : l’Esprit d’amour et de communion, c’est-à-dire l’Esprit de Don. Que ce soit du côté de Dieu, de la Vierge Marie, du Christ, tout est don, comme si personne ne pouvait demeurer en soi mais était poussé à s’extravertir, à engendrer, à créer, à sortir, à s’offrir, à visiter…et finalement à se trouver soi-même en vérité dans ce don continu.

Ce Mystère, évidemment, est le nôtre. Si nous le contemplons, dans l’Enfant de la Crèche ou dans les hauteurs de la Sagesse éternelle, c’est pour qu’il éclaire ce que nous sommes dès maintenant, ce que nous sommes appelés à être. Hommes vraiment, mais plus que l’homme ; divinisés vraiment, mais dans l’humilité, le ressort de tout étant l’amour qui nous porte, dans des actes très concrets, vers Dieu, vers les autres, vers nous-mêmes. Et cela est vrai pour tout homme et toute femme que chacun croise sur sa route, habituellement ou incidemment. Mais il est vrai aussi que cette vérité de l’homme se heurte d’autre part depuis les débuts de l’humanité à une erreur qui nous habite profondément : au lieu de miser sur le don, fait et reçu, nous misons sur une construction, par nous-mêmes et pour nous-mêmes : ce que nous savons, ce que nous pouvons, ce qui nous en revient. La situation actuelle du monde s’explique par là : le désespoir grandissant des uns, l’espoir fou des autres vers un post-humanisme tout-puissant réservé à une petite élite ayant les connaissances et l’argent. Tout le combat entre la Lumière et les Ténèbres dont parle le Prologue de saint Jean se situe là, il s’étale partout et, en profondeur, il tend à ronger tout. Demandons les uns pour les autres l’esprit de la Crèche qui est aussi celui des profondeurs de Dieu, et alors le monde sera sauvé.

Ces dernières semaines, j’ai entendu diverses personnes qui partaient en retraite, donc autour de la soixantaine : le receveur de la poste du canton, un médecin des hôpitaux et une infirmière, un ingénieur de haut niveau, responsable d’un laboratoire de recherches. Et tous disaient : « je suis content de partir maintenant, ca - Messe du Jour Noël révisé 2008 - 25 décembre 2019

Retour à la sélection...