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HOMELIE

24 septembre
année 2016-2017

Année A - 25° Dimanche du Temps Ordinaire - 24 septembre 2017
Isaïe, 55, 6-9 Phil. 1, 24-27 Mt. 20, 1-16
Homélie du F.Ghislain

L’évangile que nous venons d’entendre nous heurte. Spontanément, nous trouvons que les ouvriers de la première heure, « qui ont enduré le poids du jour et de la chaleur », ont raison de se plaindre. S’il y avait eu un conseil de prudhommes au temps de Jésus, il aurait certainement donné tort au patron de la vigne et lui aurait imposé de verser une indemnité à ces ouvriers. Si la bonté du patron le conduit à verser aux ouvriers de la dernière heure, un salaire qui dépasse la valeur de leur travail, sa justice aurait dû le conduire à calculer la somme proportionnelle due à ceux de la première heure. Ou encore : si les ouvriers de la première heure avaient su ce que recevraient ceux de la dernière, ils ne se seraient certainement pas mis d’accord avec le patron sur le salaire d’un denier.

Pour comprendre un peu cette parabole, il faut nous remettre dans l’ambiance qu’a connue Jésus. On est à son époque dans une économie de subsistance au jour le jour. Des hommes arrivent le matin sur la place du village, avec l’espoir d’être embauchés. Un jour, ils le seront, le lendemain non, le surlendemain ils auront seulement une embauche de quelques heures. Ils vont de chômage en chômage, de précarité en précarité, avec une famille à soutenir, nombreuse comme toutes les familles de l’époque. Jésus, à Nazareth, avait sans doute un emploi un peu plus stable, mais il était à la merci d’un défaut de commandes, de retards dans les paiements. Par lui-même ou par ses voisins, il savait ce qu’était manquer du nécessaire, de n’avoir aucune réserve pour le lendemain. Aussi bien, ce qui l’intéresse, dans la vie comme dans la parabole, ce sont les pauvres, les malchanceux. Si le propriétaire de la vigne dit à son intendant de payer d’abord les ouvriers de la dernière heure, c’est parce que ce sont les plus besogneux, et s’il leur fait donner un salaire disproportionné à leur travail, c’est qu’il est à peine proportionné à leurs besoins. Jésus regarde la vie des hommes avant de considérer la valeur marchande de leur travail.
En ce sens, d’une certaine manière, les ouvriers de la première heure, avant de réclamer, auraient pu se réjouir que, ce jour-là, grâce au salaire égal, tous les ouvriers auraient eu de quoi vivre jusqu’au lendemain, eux et leurs familles. Et espérer que la chose se renouvelle le lendemain pour tous, car s’ils se trouvaient alors au bas de l’échelle, ils profiteraient de la bonté du propriétaire.

Dans une société comme la nôtre, où les grosses fortunes et la surconsommation voisinent avec la précarité, le chômage, l’insuffisance même d’un salaire minimum garanti, - ceci pour ne rien dire de sociétés moins développées où les inégalités sont encore plus flagrantes, cette insistance de Jésus sur les hommes d’abord, l’argent ensuite, pourrait nous faire réfléchir. Elle rejoint le message du pape François. Ou plutôt, c’est le pape François qui rejoint l’évangile : les hommes d’abord, parmi eux les plus pauvres d’abord, l’argent ensuite.

Ce qui est dit du denier dans la parabole confirme l’enseignement de Jésus. De quoi s’agit-il en effet sinon du Royaume des Cieux ? De ce qui est la fin de l’histoire où nous nous trouvons. De ce qui est la vérité éternelle du moment éphémère où nous nous trouvons. Ce denier-là est incommensurable à tous les travaux que nous pouvons consentir, même si ceux-ci couvrent toute la durée d’une existence ; il est aussi indispensable, car c’est de lui qu’il s’agit pour chaque homme et pour tous les hommes. Or, si celui qui a consacré sa vie à l’évangile, au prix « du jour et de la chaleur » apprend que son frère en humanité va hériter, lui aussi, du Royaume, comment ne s’en réjouirait-il pas d’abord, avant de discuter. En effet, même s’il a tout donné, il sait bien que la récompense est sans commune mesure avec l’effort. Et ce qui lui importe, en tout cas, est que son frère soit avec lui.
Mes frères, il nous faut penser de temps à autre au Royaume des cieux, à la vie éternelle, au « repos éternel » comme on chante dans la liturgie des funérailles chrétiennes. Nous allons, vers ce que l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, vers ce que Dieu nous a préparé pour notre bonheur. Dans la seconde lecture, saint Paul dit combien il aimerait que cela advînt tout de suite pour lui ; ce qui le retient, ce sont justement les hommes qui l’entourent et qui ont encore besoin de lui ; alors il reste. Cette pensée de la vie éternelle pourra transfigurer notre regard sur les autres, les proches mais aussi les inconnus : tous ceux, par exemple, auxquels on est collé aux heures de pointe dans le métro : tous et chacun, qu’ils en soient à la onzième ou à la première heure, vont hériter du même denier, et nous serons pour toujours avec eux. Comment ne pas les aimer, s’en sentir solidaires, se laisser aussi aimer par eux ? Ayons le regard bon, car bon est le regard de notre Dieu. - 24 septembre 2017

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